Politique
Loi de modernisation économique : la partie n’est pas gagnée
Jean-Michel Lemétayer et Jean-René Buisson étaient reçus par Nicolas Sarkozy le 9 mai. Un entretien d’une heure, un Président sensibilisé, mais un combat à poursuivre.

Le Président veut préserver le pouvoir d’achat des Français. Nous partageons cette préoccupation. Mais si l’on veut lutter ensemble pour le pouvoir d’achat, il faut que chacun puisse gagner sa vie avec des marges raisonnables », assurait le 9 mai Jean-Michel Lemétayer sur le perron de l’Elysée. Après la loi Chatel mise en place depuis deux mois à peine, la loi de modernisation de l’économie entend une fois de plus repenser les relations fournisseurs-distribution au lendemain de la publication des chiffres sur l’inflation. Une loi contestée, entre autres, par la FNSEA et l’Ania (Association nationale des industries agroalimentaires) dont les représentants étaient reçus vendredi 9 mai par Nicolas Sarkozy. Principale mesure mise en cause : la négociabilité des prix sans obligation de transparence. « Nous avons fait entendre au Président l’importance qu’il y avait à faire attention aux petites entreprises françaises. Nous demandons plusieurs amendements à la loi de modernisation économique, dont une contrepartie de transparence à la négociabilité des prix et la mise en place d’un observatoire des marges. Le consommateur veut comprendre le prix de ce qu’il achète. Dans certains cas, les marges sont abusives, dans d’autres elles sont très faibles », a ajouté le président de la FNSEA.
La fin mai sera décisive
Faisant cause commune avec la FNSEA, Jean-René Buisson, président de l’Ania, regrette que la loi Chatel, jugée « équilibrée », soit repensée avant même d’avoir eu le temps d’en mesurer les bénéfices. « Avec cette loi, la distribution peut déjà réduire les prix de 20 à 30 % si elle le souhaite. Pour la loi de modernisation économique, nous ne demandons pas de changement en profondeur. Nous demandons juste que si le distributeur passe les prix de 100 à 70, il puisse expliquer comment en intégrant les demandes de ristournes au contrat. Nous travaillons avec des marges de 0,5 à 0,6 %. Il en va de la survie de nos entreprises », résume-t-il. Une mesure de transparence retirée du texte déposé devant l’Assemblée nationale. Nicolas Sarkozy s’est dit sensible à la question, mais la balle est désormais dans le camp du législatif, non plus de l’exécutif. « Le travail de lobbying continue. J’ai sollicité un entretien avec le Premier ministre afin que soit définie une position gouvernementale sur cet amendement », indiquait, le 9 mai, Jean-René Buisson. La FNSEA et l’Ania déclarent vouloir éviter l’épreuve de force de la rue. Tout dépendra de l’accueil qui sera réservé à leurs revendications par la commission économique de l’Assemblée nationale, entre le 14 et le 21 mai. Si aucune des deux organisations ne veut en venir à la manifestation, rien ne peut être exclu d’ici le 27 mai, jour du débat devant l’Assemblée nationale. Actuagri
Fruits et légumes
Les producteurs peuvent se concerter sur les prix et volumes
Par un avis du 7 mai, le Conseil de la concurrence indique qu’il est « favorable à ce que les producteurs de fruits et légumes s’organisent pour renforcer leur pouvoir de marché face aux distributeurs et réduire le caractère aléatoire de l’offre, sous réserve qu’ils conservent une réelle autonomie dans leur politique de prix ». Le ministre de l’Agriculture avait sollicité cet avis, car la nouvelle organisation commune de marché des fruits et des légumes pouvait entrer en contradiction avec le droit des ententes. En effet, la nouvelle OCM « offre aux producteurs des dérogations importantes au droit commun de la concurrence, notamment en permettant une coordination entre producteurs qui restent indépendants », rappelle le Conseil. L’OCM leur permet ainsi de renforcer leur position sur le marché au sein d’organisations de producteurs ou d’associations d’organisations de producteurs, face à une demande très concentrée (la grande distribution concentre 74 % du chiffre d’affaires des fruits et légumes au détail). Le nouveau schéma d’organisation de la filière articulé autour des associations d’organisations de producteurs (AOP), prévoit deux catégories d’AOP : des AOP de commercialisation concentrant davantage l’offre, et des AOP de gouvernance renforçant le pilotage des actions par produit (campagnes de promotion, dates d’arrivée à maturité des produits, estimation des volumes, etc.). Les AOP de commercialisation, en jouant le rôle de grosses organisations de producteurs mettant en commun la vente et permettant aux producteurs de renforcer leur pouvoir de négociation vis-à-vis des distributeurs, « semblent être une réponse efficace », indique le Conseil. Pour Bruno Dupont, président national de la Fédération des producteurs de fruits, c’est là l’aboutissement de nombreuses demandes de la part de la profession, dans le cadre notamment de la nouvelle organisation des AOP. Grâce à cette avancée, « les échanges d’information sur les prix et les volumes vont pouvoir se faire en toute transparence et en toute légalité tout en veillant à bien respecter le mécanisme de l’offre et de la demande ». Bruno Dupont écarte ainsi la crainte du conseil de la concurrence de voir la profession fixer des prix minimum ou jouer la spéculation. Même satisfaction pour Daniel Vivion, responsable de la section légumes à la FDSEA : « Cette nouvelle disposition ne peut qu’être positive. Elle va permettre une meilleure gestion des marchés ». Les structures juridiques vont pouvoir maintenant se mettre en place au niveau des sections nationales afin que ce nouveau mécanisme soit pleinement opérationnel au 1er janvier 2009.
M.L.R et Agra