Interview
Luc Guyau, à la présidence de la FAO : « La reconnaissance de notre métier »
Luc Guyau, agriculteur en Vendée et président de l’APCA, vient d’être élu à la tête de la FAO*.
Luc Guyau, agriculteur en Vendée, qui a gravi tous les échelons de responsabilités depuis le MRJC, les JA et la FNSEA, jusqu’à la présidence des Chambres d’agriculture, vient d’être élu à la présidence de la FAO. Pour quoi faire ? Entretien.
À quoi sert la FAO ?
Luc Guyau : La FAO fédère 192 pays membres des Nations unies sur la préoccupation de la lutte contre la faim dans le monde. Et il y a de quoi faire quant on sait que toutes les six secondes un enfant meurt de malnutrition. Elle est un organe d’observation, de discussion, de connaissances techniques et de diffusion de ces connaissances et elle a aussi un rôle d’aide au développement. La responsabilité qui m’est notamment confiée est de superviser les progrès enregistrés par le programme de réforme et de renouveau de la FAO.
On entend souvent parler du directeur de la FAO - le Sénégalais Jacques Diouf - mais beaucoup moins de son président. Cela pourrait-il changer avec votre élection ?
Il y a deux instances à la tête de la FAO, l’une – la présidence du conseil indépendant - que l’on pourrait qualifier de politique avec des mandats de deux ans dont le dernier était détenu par un diplomate iranien. L’autre, la direction, c’est le chef de l’exécutif en somme, avec des mandats de cinq ans. Une chose importante à noter : c’est le même collège électoral des 191 membres qui élit le président et le directeur. Ce qui procure aux deux fonctions la même légitimité et ce qui amoindrit le risque de conflit. Il faut aussi noter que Jacques Diouf est aujourd’hui en place depuis quinze ans. Ce qui explique sa notoriété. Mais cet état de fait va changer. Pour deux raisons. D’abord parce qu’une réforme visant à donner plus de place au conseil est en cours et deuxièmement parce que c’est mon souhait de faire évoluer les choses qui a motivé ma candidature à cette fonction. Enfin c’est la première fois qu’un non diplomate ou haut fonctionnaire accède à cette fonction. L’élection de quelqu’un issu de la société civile, d’un agriculteur qui plus est,
a pour moi un sens.
Lequel ?
C’est la marque de la reconnaissance à l'égard de notre profession qui contribue à assurer une offre alimentaire suffisante et, par là même, à relever le défi de la sécurité alimentaire mondiale. Au-delà de mon élection, le vote de l’élargissement et du renforcement du Comité de la sécurité alimentaire mondiale, c’est sa reconnaissance comme élément central du partenariat mondial pour l’agriculture, la sécurité alimentaire et la nutrition. Ainsi, ce Comité sera étoffé pour comprendre, outre tous les États-membres de la FAO et de l’Onu, des représentants d'organisations internationales, d'organisations non gouvernementales, du secteur privé et de la société civile. C’est pour moi une certaine garantie que la FAO ne va pas rester l’affaire de quelques conférenciers du sud. J’y apporte le politique, le relationnel et l’ouverture.
Quel retour peut-on en attendre pour l’agriculture des Pays de la Loire ?
Honnêtement, aucun. Je suis là pour accélérer la lutte contre la faim dans le monde et pas pour autre chose. Mais cela dit, mon élection c’est une reconnaissance pour notre métier et pour les choix que nous avons faits. Une reconnaissance de la capacité de notre métier tel que nous le concevons a contribué efficacement à la lutte contre la faim et pour le développement.
L’immensité de la tâche ne vous effraie pas ?
Si, je mesure en effet toute l’immensité de la tâche et si je vous disais le contraire vous ne me croiriez pas. Mais je ne rechigne pas devant la tâche et je ne pars pas de rien. Il y a des gens autour de moi qui ne font pas que parler. Et puis je bénéficie d’une expérience et d’un soutien professionnel et local qui me seront très utiles.
PROPOS RECUEILLIS par Michel Girardeau
*Food and Agriculture Organization of the United Nations.