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Élevage
Manque d'eau, manque de fourrage, manque de paille, les éleveurs aux abois

Face au manque prévisible de fourrages, la paille risque d'être rare et chère. La FDSEA met en place une opération d'achat groupé et appelle à “un prix raisonnable”.

Le prix de vente de la paille au sortir de la machine est estimé à 25 €/t maxi, soit le coût de l’amendement.
Le prix de vente de la paille au sortir de la machine est estimé à 25 €/t maxi, soit le coût de l’amendement.
© AA

La situation climatique ne fait qu'empirer et l'inquiétude grandit dans les campagnes. Le déficit pluviométrique atteint, sur les mois de mars, avril et jusqu'à ce jour, 70 % par rapport à une moyenne de trente années (voir article de Pierre Mulliez en page 18). 42 départements, au 24 mai, sont d'ores et déjà touchés par des restrictions d'eau. Le spectre de la sécheresse de 1976 se profile et d'aucuns prétendent qu'elle pourrait être pire. La question dès lors qui taraude les agriculteurs est de savoir comment nourrir les animaux. On voit des éleveurs se résoudre à la vente de bêtes, alors que les cours de la viande bovine sont repartis à la baisse. Une décapitalisation estimée par la FNB à 10 % du cheptel, qui rogne d'ores et déjà l'outil de travail. "Les éleveurs n'ont d'autres solutions", indique Mickaël Bazantay, administrateur de la FNB (voir page 4).
Face à cette situation, un certain nombre de mesures ont été prises par le ministère de l'Agriculture, mesures réclamées par la FNSEA : versement anticipé de la prime vache allaitante, autorisation de la fauche des jachères. La FNSEA étudie également la possibilité de contrat "cession de paille", entre éleveurs et céréaliers.  Lors du dernier conseil de la FDSEA, Jean-Marc Lézé a invité les céréaliers locaux à réserver la paille pour les éleveurs à un prix équivalent à celui estimé pour l'amendement, soit selon les estimations d'Arvalis, de 22 à 25 euros.
Les coopératives, elles aussi, essayent de trouver des solutions, de faire face à la pénurie. "Lors de sa réunion du lundi 23 mai, le bureau de Terrena a décidé de suivre de très près l'évolution des cellules sécheresse mises en place dans les départements, relate Marcel Placet, responsable des grandes cultures à Terrena. Nous allons voir avec les autres organisations professionnelles comment nous organiser". De façon solennelle, Hubert Garaud, le président de Terrena, lors de l'assemblée générale de la coopérative qui se tenait hier jeudi en Poitou Charentes, devait demander à tous les céréaliers coopérateurs de "ne pas broyer" et d'"être raisonnables sur le prix de cession".
Bernard Belouard, président de la CAPL et administrateur AGPB partage cet avis. "Lors du bureau des pailles et fourrages, il a été expressément demandé aux céréaliers de ne pas broyer la paille, indique le responsable professionnel. L'an dernier déjà, les céréaliers ont été nombreux à débrayer le broyeur". Pour autant, "on ne peut pas demander de jouer la solidarité une ou deux fois tous les cinq ans", estime-t-il et recommande la mise en place de contrats entre céréaliers et éleveurs "à un prix qui couvre le coût d'achat des engrais", soit 25 euros la tonne. Est-ce encore possible pour cette année ? "Des éleveurs ont anticipé. Au vu des stocks restant de l'an dernier et des risques de déficit, ils ont pris des contacts dès le début de l'année. La paille a été courue et recourue".

M. L.-R.

Interview de richard Samuel, préfet de Maine-et-Loire

Dans certaines circonstances, il appartient au préfet d’apprécier les situations locales

Face au risque croissant de sécheresse et le constat avéré de difficultés, le ministère de l'Agriculture a annoncé diverses mesures (utilisation des jachères, avances du versement de la prime PMTVA) réclamées par la FNSEA. Au delà, de quelles latitudes dispose un préfet pour apporter de la souplesse au niveau local?
Richard Samuel : Souplesse fait référence à l’application de règles. En matière agricole, l’essentiel de la réglementation relève du droit communautaire, qui ne prévoit qu’exceptionnellement de déconcentrer des modalités d’application au niveau national, et encore plus exceptionnellement au niveau local.
Dans certaines circonstances, c’est toutefois au préfet de département qu’il appartient de prendre des décisions qui ne peuvent être éclairées que par l’appréciation locale de la situation : c’est ainsi que j’ai récemment autorisé l’anticipation de la date de fauche de certains territoires sur lesquels des agriculteurs avaient contractualisé des mesures agroenvironnementales, après qu’eut été réalisée une expertise fine des enjeux environnementaux (voir p.9). Cette dérogation a été arrêtée après concertation avec les opérateurs environnementaux, selon des modalités qui concilient les enjeux de protection et de restauration de la biodiversité avec les contraintes particulières que connaissent les éleveurs confrontés à une insuffisance de fourrage dans ces circonstances exceptionnelles.

Comment abordez-vous le sujet du broyage ou du non-broyage des pailles dans le département ?
La question est de savoir ce qui crée l’exigence. J’ai plutôt été habitué dans ce département à observer la capacité des agriculteurs et de leurs organisations et à s’organiser, y compris dans l’adversité, pour faire face à la situation.
Je serais plutôt préoccupé si cette capacité à agir venait à défaillir, et si la solidarité que l’on reconnaît généralement au monde agricole disparaissait subitement et si les initiatives prises par les organisations professionnelles ne prospéraient pas. Alors, face à une situation qui ne pourrait trouver de solution autrement, je prendrais les mesures nécessaires.

La gestion de l'eau constitue une préoccupation majeure du monde agricole, en particulier sur le végétal spécialisé et pour le fourrage destiné à l'élevage dans certaines zones. Que peuvent-ils espérer pour le très court terme et sur le moyen et long terme ?
Les mesures de restriction qui s’imposent, lorsque la ressource ne permet pas de faire face à tous les besoins, sont précisées dans un arrêté-cadre, qui est en vigueur dans le département depuis de nombreuses années. Il comporte une hiérarchisation des usages et des restrictions, qui sont ainsi connus de tous à l’avance. Nous en sommes déjà à la quatrième semaine d’activation de mesures, ce qui confirme la gravité de l’épisode de sécheresse que nous connaissons. L’arrêté cadre comporte des modalités spécifiques pour certaines cultures végétales spécialisées, à haute valeur ajoutée, qui ne peuvent se passer d’irrigation. Pour le moyen terme, il faut rendre les systèmes de production le moins vulnérables possible au manque d’eau. L’exemple des rosiéristes de Doué me paraît de ce point de vue tout à fait exemplaire. Leur projet a d’ailleurs bénéficié de soutien de la part des pouvoirs publics. L’avenir appartient forcément à ceux qui savent s’adapter.

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