Magazine
Mission accomplie
En février prochain, comme Cincinnatus vers sa charrue, Jean-François Cesbron rejoindra sa commune de Saint-Lézin après deux mandats à la présidence de la Chambre d'agriculture.
Quels sentiments ressentez-vous au terme de deux mandats à la présidence de la Chambre d'agriculture et d'une carrière professionnelle : la nostalgie, la fierté, l'inquiétude ?
Jean-François Cesbron : l'époque que j'ai vécue, des années 70 jusqu'à aujourd'hui, a été marquée par une formidable progression de l'agriculture. On est parti de rien. C'est donc encore de l'enthousiasme que je ressens, car je me suis épanoui durant cette période. Pas de nostalgie car c'est désor-mais aux autres de vivre autre chose. Pas d'inquiétude non plus, car sans nier les infléchissements nécessaires, je fais confiance aux hommes et aux femmes, aux structures et au temps.
Dans vos diverses fonctions, vous passez pour un homme de dialogue et d'écoute. Est-ce un effet de la douceur angevine ? Est-ce dû à votre éducation ? À votre façon de procéder ? Et est-ce toujours la bonne méthode ?
Je ne sais pas si c'est la bonne méthode, mais c'est la mienne. Je ne serais pas à l'aise dans une autre. La brutalité n'arrange rien. Cela tient également au fait que je suis entouré de gens qui, eux aussi, privilégient le dialogue. C'est peut-être angevin : on regarde plus volontiers ce qui nous rapproche que ce qui nous éloigne. Le Projet agricole départemental est un bon exemple de cette concertation, mais nous travaillons avec la Chambre de commerce et d'industrie, afin de concilier leur besoin de développement et l'économie de l'espace rural.
En tant que président de la Chambre d'agriculture, vous avez parfois eu à discuter avec des élus qui n'étaient pas du même avis. Comment avez-vous vécu la situation ?
Dans les syndicats minoritaires, certains ont joué leur rôle constructif d'opposants. D'autres ne sont jamais intervenus et préfèrent s'exprimer ailleurs. Les relations avec les salariés ont toujours, au bureau, été très constructives, chacun restant dans son rôle.
L'heure est à la mutualisation ; elle est déjà en marche au niveau des Chambres d'agriculture. Comment réussir ce pari tout en gardant la notion de proximité avec les agriculteurs ?
La proximité et la mutualisation ne sont pas inconciliables. Il faut protéger absolument les antennes locales, les fermes expérimentales. C'est par là que passe la proximité. La réorganisation de services se jouera plus au niveau départemental.
Vous avez connu plusieurs réformes de la Pac, assisté à bien des évolutions de l'agriculture. Que pensez-vous de la réforme qui se profile pour 2014-2020 et de ses conséquences pour l'agriculture en général et celles de l'agriculture angevine en particulier ?
Je veux croire que la Pac prendra en compte des spécificités locales. Pour le Maine-et-Loire, les exploitations sur des petites surfaces, les actifs, les enjeux liés à l'élevage déjà fragile et menacé par l'empilement de nouvelles contraintes. C'est en ce sens qu'une motion a été signée, à l'unanimité de tous les élus de la Chambre d'agriculture présents, lors de la
dernière session de décembre.
Vous considérez que l'agriculture est en danger ?
Attention à ne pas opposer les productions entre elles : on a besoin de tout le monde, de tous les types de production et de commercialisation. Attention aussi aux effets d'aubaine. Qui peut dire ce que l'avenir réserve aux productions de céréales ? Les filets de sécurité et les outils de régulation mis en place n'existent plus. Pour que l'agriculture se maintienne, il faut inventer autre chose et pour cela, avoir une nouvelle loi d'orientation. Trouver également d'autres pratiques. Notre génération a pensé tout régler par la chimie. Certes, on en a encore besoin, mais il faut creuser la voie ouverte par l'agriculture écologiquement intensive.
L'un des dangers qui menace l'agriculture, c'est la montée de l'individualisme. Face aux difficultés, il faut réinventer des solutions collectives. J'ai toujours cru à cette voie, qu'elle soit syndicale, au niveau d'une Cuma ou d'une coopérative. Les défis sont impossibles à relever individuellement.
Vous avez exercé de nombreux mandats agricoles. Vous êtes maire de votre commune. De tous ces mandats, lequel ou lesquels vous ont le plus marqué ?
La case départ, c'est la FDSEA. La présidence de la Chambre d'agriculture en est la continuité. Mon mandat de maire m'amène plus à traiter des questions d'aménagement du territoire où je retrouve les mêmes interlocuteurs, les mêmes collectivités locales, les services de l'État. Ce sont des mandats différents, dont le syndicalisme est l'école.
Que ferez-vous en février 2013, une fois le nouveau président de Chambre d'agriculture en place ?
J'arrête sereinement. Il y aura un temps pour d'autres choses. Peut-être tout simplement réapprendre à prendre du temps.