Eau
Mobiliser la ressource en eau, c’est pérenniser les productions et les emplois
La Chambre d’agriculture lance un plan d’action pour aider les agriculteurs à limiter
la dépendance, pour mobiliser la ressource et pour une gestion raisonnée de l’irrigation.
Peut-être 110 mm de pluie en moins par an à Rennes entre les années 1970-2000 et les années 2070-2100… Peut-être 2,6 degrés de plus. Les scénarios envisagés par le projet Climator sur le changement climatique (lire ci-dessous) le confirment : la moyenne des températures devrait continuer à croître dans le siècle à venir et le déficit hydrique s’accentuer. Une évolution qui va exiger une grande capacité d’adaptation de la part des agriculteurs, en termes d’avan-cement de calendriers de travaux, de choix de variétés plus précoces… et de gestion de l’irrigation. “On connaît ces évolutions suffisamment à l’avance pour chercher dès maintenant des solutions pour stocker l’eau”, a souligné Frédéric Levrault, ingénieur à la Chambre régionale d’agriculture Poitou-Charentes, invité à la session de la Chambre d’agriculture, lundi 10 octobre à Segré. L’organisme consulaire a dévoilé à cette occasion son plan d’actions autour de la question de l’eau. Il s’articule autour de trois axes complémentaires : limiter la dépendance à l’eau des exploitations, mobiliser la ressource et adopter une gestion raisonnée de l’irrigation. L’enjeu est celui de la pérennité des exploi-tations et des emplois en agriculture : “Une remise en cause de l’irrigation metrait en danger plus de 7 000 ETP”, a souligné Pierre-Yves Amprou, de la Chambre régionale d’agriculture. En productions spécialisées, la possibilité d’irriguer est une condition préalable à la signature de contrats.
Adapter les systèmes
Il ne s’agit pas de trouver une hypothétique plante miracle qui ne nécessitera plus d’eau, ni d’abandonner la culture du maïs fourrage pour nourrir les animaux. Mais bien de donner aux agriculteurs des clés pour “anticiper les conséquences du changement climatique”, a souligné le président Jean-François Cesbron, se réjouissant de l’évolution des esprits sur la question de l’eau. “Il y a quelques années, on se serait presque interdit d’employer certains termes utilisés aujourd’hui”. Pour limiter la dépendance à l’eau, la Chambre va poursuivre les travaux réalisés aux Trinottières et à Thorigné-d’Anjou, avec l’équipe d’agronomie et les réseaux d’élevages, sur la diversité des assolements. Les MCPI, mélanges de céréales et protéagineux immatures, la luzerne, le sorgho ou encore les prairies multi-espèces offrent des perspectives intéressantes. Et comme l’adap-tation des systèmes va demander davantage de connaissances, de capacités d’analyse, la Chambre propose à partir de cet automne des formations-actions, individuelles et en groupes.
Relancer la création de réserves collinaires
Alors qu’on constate depuis le début des années 2000 un tassement des demandes, la création de nouvelles réserves est une priorité pour les années à venir. “Il faut pour cela lever les principaux freins à la création de réserves, la réglementation zones humides, la rentabilité économique et l’aspect temps
de travail, a expliqué Virginie Guichard, responsable du service environnement de la Chambre d’agriculture. Sur les 72 projets déposés depuis un an dans nos services, un tiers sont concernés par la problématique zones humides”. Pour pouvoir obtenir la possibilité de créer des réserves dans certaines zones humides, les professionnels proposent des mesures compensatoires. “Je n’ai pas de réponse a priori sur le sujet, a fait remarquer Sylvain Marty, directeur de la DDT. Les propositions qui marchent bien sont à réfléchir en fonction des contextes locaux”.
Des démarches territoriales de groupe sont aussi accompagnées par la Chambre d’agriculture et la FDSEA, comme le programme des rosiéristes de Doué-la-Fontaine.
Cette création de réserves hivernales est d’autant plus importante pour l’agriculture du département que l’accès à l’eau du milieu naturel devrait être plus difficile : “Il faut se préparer à l’intégration des nappes dans la gestion des étiages, ce qui concernera non plus 600 irrigants comme aujourd’hui mais au moins 1 500 demain”, a expliqué Virginie Guichard. La Chambre rappelle que la gestion de la ressource en milieu naturel se gère “collectivement”.
Le dernier volet du plan d’action, porte, lui, sur l’amélioration de l’efficience de l’irrigation. Généraliser l’emploi de gun corners en grandes cultures, matériel qui permet de ne plus arroser le chemin ou la route, développer le goutte à goutte en maraîchage, recycler les eaux d’irrigation... En parallèle, la Chambre d’agriculture travaille avec la FRSEA sur les aspects de communication et d’acceptabilité par l’opinion de l’irrigation.
S.H.
(lire aussi en pages 2, 12 et 13 du journal l'Anjou Agricole du 14 octobre)
Climator
Changement climatique : quel impact ?
Les impacts et conséquences du changement climatique pour l’agriculture et la forêt ont été étudiés dans le projet Climator, coordonné par l’Inra. Première conséquence, l’avancement des calendriers culturaux. Les dates de récoltes pourraient être avancées en France, entre la période 1970-2000 et la période 2070-2100, de 41 jours pour le maïs, 16 pour le blé, 25 pour le tournesol, 32 pour la vigne. La sécheresse devrait affecter toutes les cultures en diminuant le confort hydrique, mais de façon différente : seuls les rendements des cultures d’été seraient touchés. Les besoins en irrigation devraient logiquement augmenter, surtout pour le maïs (+ 40 mm), et un certain nombre de cultures devraient nécessiter une irrigation starter au semis, comme le colza. “Une partie de la réponse va résider dans la capacité des semenciers à proposer des variétés plus résistantes au stress hydrique”, a commenté Frédéric Levrault, de la Chambre d’agriculture Poitou-Charentes.
Pour les grandes cultures, un impact plutôt positif est attendu : le changement climatique devrait se traduire par une moindre pression des maladies, donc une baisse de l’utilisation de phytos et une fertilité accrue grâce à une meilleure fertilisation carbonée.
La synthèse du projet Climator est disponible sur le site internet de l’APCA.
Repères
42 000 hectares sont irrigués en Maine-et-Loire, ce qui correspond à 8 % de la SAU.
- 50 % de ces surfaces irriguées sont des cultures spécialisées.
- 2 400 exploitations irriguent.