Bilan de santé de la Pac
Nicolas Sarkozy se prononce pour une agriculture de production
À Daumeray, le président de la République a annoncé les contours
d’une ambition agricole européenne à l’initiative de la France : le “pouvoir vert”.
Le choix du déplacement du président de la République dans un élevage bovin, l’EARL de Dominique et Fabienne Davy, à Daumeray, d’une surface de 130 hectares dont 85 hectares d’herbe, dont de la luzerne, un cheptel de vaches allaitantes, des jeunes bovins, une certification agriculture raisonnée, préfigure-t-il les mesures qui seront prises dans le cadre du bilan de santé de la Pac ? et pour l’agriculture d’après 2013 ? Lors de la rapide visite de l’exploitation, les responsables professionnels ont bien réexpliqué les enjeux régionaux au chef de l’État : l’importance de la prise en compte des actifs, le poids de l’élevage dans l’aménagement du territoire, la gestion du foncier, l’engagement environnemental.
Sur le détail du dispositif prévu, on en saura un peu plus ce vendredi soir, avec la présentation par Michel Barnier de “Objectif Terre”, une série de 60 mesures, et lundi 23 février par le conseil supérieur de l’orientation. Mais, d’ores et déjà, jeudi, devant un parterre de 700 personnes, le président de la République, Nicolas Sarkozy, en a dessiné quelques contours.
Le “pouvoir vert” de la France et de l’Europe
Primauté d’abord à une agriculture de production, « pour permettre à chaque agriculteur, véritable chef d’entreprise, de vivre du fruit de son travail et aider l’agriculture à répondre aux attentes de la société ». Avec au passage, un rappel à l’ordre sur le partage de la marge : « en 40 ans, les prix agricoles ont été divisés par deux et ceux des aliments de 14 %. Je demanderai des explications sur cet écart ». Sans préciser pour autant s’il comptait revenir sur les dispositions de la loi de modernisation de l’Économie.
Privilégiant une stratégie offensive à une défense passive, et donc subie, Nicolas Sarkozy a rappelé l’importance de préparer dès maintenant 2013, soulignant au passage le travail réalisé par Michel Barnier et l’attitude responsable des organisations professionnelles. « Le plus grand risque serait de ne pas prendre de risque », a-t-il indiqué. Car l’ambition du chef de l’État, encore imprégné de sa récente présidence européenne, est de préserver pour la France et pour l’Union européenne, à l’instar des objectifs indien et étatsunien, le « pouvoir vert », avec une agriculture qui concilie production et qualité sanitaire et environnementale. C’est pourquoi, a-t-il promis, son attitude sera ferme vis-à-vis des négociations de l’OMC : « nous exigerons la réciprocité et de l’équilibre », ajoutant que « la sécurité alimentaire, l’alimentation ressortent d’une nouvelle gouvernance mondiale qui ne se limite pas à la libéralisation des échanges ». C’est donc un projet français que le président de la République entend voir mettre en chantier, projet qui a pour ambition de rallier les 26 autres pays de l’Union européenne.
Les orientations françaises prêtes à la fin de l’année
Le calendrier est fixé. Les orientations françaises seront prêtes à la fin de l’année. Elles s’assortiront d’un projet de loi de modernisation de l’agriculture et du secteur agro-alimentaire qui sera déposé par le gouvernement devant le parlement avant la fin de l’année. Pour accompagner la disparition progressive des références historiques et le rééquilibrage des aides, le ministère de l’Agriculture disposera à nouveau dès 2010 des 300 millions d’euros qui étaient prévus être économisés sur son budget, somme qui viendra abonder le deuxième pilier. La réorientation concernera la mise en place, dès 2010 d’un soutien économique renforcé pour l’élevage situé en zones herbagères ; d’une gestion accrue des risques sanitaires et climatiques et d’une revalorisation de l’ICHN (pour les zones de montagne). Prévu également un soutien à l’agriculture de production respectueuse de l’environnement et le développement d’un plan protéines. Parallèlement, le soutien à une politique d’installation a été réaffirmé. « Un financement dont la remise en cause du montant n’est pas négociable », a affirmé le chef de l’État.
m.l.-r.
À chaud : Ce qu’ils en pensent…
Luc Guyau, président de l’APCA : « C’est un très bon discours d’un président de la République aux 60 millions de Français, qui rappelle l’importance de l’agriculture française et européenne. Débloquer le budget du ministère de l’Agriculture va permettre le cofinancement des mesures pour le deuxième pilier ».
Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA : « Ce discours va dans le bon sens. Il est grand temps de convaincre l’Union européenne du “pouvoir vert”. Cela vaut tant pour les perspectives budgétaires que pour l’avenir de la Pac et des négociations internationales. Par ailleurs, le projet de loi annoncé et concernant l’agro-alimentaire ne doit pas masquer le mauvais bilan de la loi LME. »
Jean-Marc Lézé, vice-président de la FDSEA : « Jusque-là, ce discours me convient mais j’attends de voir les arbitrages finaux, notamment ce que recouvre la notion de zones herbagères ».
Jean-François Cesbron, président Chambre d'agriculture de Maine-et-Loire : « Le président de la République a évoqué le juste partage de la marge. Comment cela s’articule-t-il avec la LME ? ».
Mickaël Bazantay, section bovine FDSEA et administrateur FNB : « Je pense qu’on a réussi à faire passer quelques messages. Le président de la République affiche clairement que l’agriculture est moderne, qu’il s’agit d’une économie à part entière. Reste à voir la mise en œuvre ».
Christiane Lambert, présidente de la FDSEA : « C’est un discours plutôt rassurant. J’ai noté le soutien du président de la République pour les zones herbagères, pour une agriculture de qualité, pour la gestion des risques. Il annonce un soutien différencié : "c’est un choix pour les hommes plutôt que pour les hectares". Il a une approche volontariste de l’agriculture et un discours ferme vis-à-vis de l’OMC ».
Jean-Paul Piet, secrétaire général de la FDSEA : « Ici, nous avons fait le choix des hommes et des productions sur un territoire restreint. Nous attendons de voir le détail des mesures. »