Interview
Notre région a de formidables atouts pour répondre aux défis lancés à l’élevage bovin
Sébastien Valteau, président d’Interbev Pays de la Loire
Sébastien Valteau, président d’Interbev Pays de la Loire
Après la violente charge de la Cour des comptes la semaine dernière contre l’élevage bovin, il y a eu rétropédalage du ministre de l’Agriculture et de la Première ministre qui ont tous deux réaffirmé depuis leur fort attachement à ces filières d’élevage dans notre pays.
Que vous inspirent ces messages contradictoires ?
D’abord que la Cour des comptes dispose sans doute de très bons comptables, mais il y a dans ce sujet une dimension scientifique et une approche globale qui n’est pas à leur portée. La filière bovine n’a pas attendu ce rapport pour se préoccuper de ses émissions de gaz à effet de serre (GES). Nous y travaillons depuis des années, dans le cadre du pacte sociétal, et singulièrement en Pays de la Loire où nous avons mis beaucoup d’ambition avec le Conseil régional et l’interprofession pour financer des diagnostics Cap2’ER. A ce jour, 900 ont été réalisés chez les éleveurs bovins de la région, dans une démarche de progrès qui couple la réduction des GES et le travail sur nos coûts de production, soit précisément ce que pointe la Cour des comptes dans son rapport.
Les vaches françaises émettent-elles effectivement moins de GES que leurs homologues brésiliennes ou américaines ?
Il faut rester prudent sur ce genre d’évaluation. Parce qu’on sait que les systèmes de production intensifs sont les systèmes qui dégagent le moins de GES, ramené à la production. Le problème est qu’ils viennent en concurrence directe avec l’alimentation humaine pour les ressources végétales. A mon sens on a d’ailleurs dans doute fait une erreur en France en se focalisant sur la performance et la productivité des élevages d’un côté et des systèmes végétaux de l’autre. On mesure aujourd’hui,après les différentes crises que nous venons de traverser, que le système de polyculture-élevage, tel que nous le pratiquons dans les Pays de la Loire, est sans doute le modèle qui peut le mieux répondre à tous ces enjeux prioritaires que sont la biodiversité, la fertilisation de nos sols, le bien-être animal, le stockage de carbone, et bien-sûr in fine la rémunération de nos producteurs.
N’y a-t-il pas une énorme hypocrisie à ne pas comptabiliser les GES des productions importées ?
Si bien sûr et c’est pourquoi la solution qui consisterait à réduire le cheptel chez nous pour en importer d’ailleurs serait la pire des solutions. D’abord parce que la consommation de viande bovine en France ne décline, pas. Au contraire elle se maintient voire augmente en lien avec l’augmentation de la population. Réduire chez nous reviendrait donc immanquablement à importer de l’extérieur de la viande issue de modèles qui ne respectent pas les valeurs que nous venons de citer. Et surtout, ce serait perdre un peu plus de notre souveraineté alimentaire, qui est déjà très précaire puisque nous sommes passés à 90 % d’autosuffisance en viande bovine dans notre pays. La campagne de communication d’Interbev sur le flexitarisme, baptisée « Aimez la viande. Mangez en mieux » cible pleinement la responsabilisation du consommateur sur ce point.
La Cour des comptes s’est également interrogée, et c’est son rôle, sur la pertinence des aides à l’élevage, au regard d’un modèle économique jugé au final pas assez rentable. Partagez-vous ces constats ?
Que les exploitations bovines dépendent des aides et que ces aides aient pu être captées en partie par l’aval est une évidence qui nous a conduits à pousser pour obtenir les lois Egalim 1 et 2, dont le but a été précisément d’obtenir une juste rémunération à travers les marchés. Ces lois, couplées à la raréfaction de l’offre, très marquée ces dernières années, ont permis un début de revalorisation nécessaire des prix payés aux producteurs. Cela étant dit, il faut aussi regarder l’évolution du marché, car avec 60 % de viande hachée, la consommation a changé, avec des produits de plus en plus élaborés, qui ne coûtent pas forcément moins cher pour le consommateur sans pour autant rapporter plus au producteur. Il y a donc probablement, comme le dit la Cour des comptes, des liens plus forts à mettre en place entre les filières laitière et viande, que ce soit pour de la finition des vaches laitières, notamment en races mixtes, mais aussi pour des animaux jeunes croisés pour le marché du piécé. Mais il y aura aussi toujours un créneau pour le cheptel viande de qualité. C’est pour cela que la priorité est vraiment de mettre les moyens pour maintenir notre potentiel de production, notamment dans notre région. Et que les producteurs ne se démobilisent pas face à certains discours excessifs et hors sols.