Médias
"Nous Paysans", un documentaire qui fait du bien
Le 23 février à 21h05, France 2 a diffusé un documentaire dirigé par le réalisateur Fabien Beziat et la journaliste Agnès Poirier. Ce film retrace avec justesse l’apport historique de l’agriculture au développement du pays.
Le 23 février à 21h05, France 2 a diffusé un documentaire dirigé par le réalisateur Fabien Beziat et la journaliste Agnès Poirier. Ce film retrace avec justesse l’apport historique de l’agriculture au développement du pays.
Le reportage s’ouvre sur une femme en blouse bleue, que l’on imagine coexploitante. Nous sommes certainement plongés dans les années 1960. Elle avance dans sa cour de ferme, face caméra sur le commentaire de l’acteur Guillaume Canet qui déclame : « Nous avons tous dans nos familles un parent qui a été paysan. Et si nous étions nés un siècle plus tôt ». Puis les images et les commentaires s’enchainent, entraînant le téléspectateur dans un peu plus de 100 années d’histoire de l’agriculture française ponctuée d’événements souvent douloureux
: la crise viticole de 1907, la guerre de 1914-1918 qui, sur 8 millions de mobilisés a compté plus de quatre millions d’agriculteurs ; la crise de 1929 ; la guerre 1939-1945 qui malgré la résistance passive des campagnes a laissé des traces indélébiles dans l’opinion, en raison notamment du marché noir. Mais à chaque fois que le pays a été en ruine, au sortir des deux
guerres, ce sont les agriculteurs qui ont remis la France sur pied, sous-tend le documentaire. Car sans agriculture, pas de nourriture.
« Longue marche »
D’ailleurs, quand il revient au pouvoir en 1958, le général de Gaulle affirme : « Un pays qui ne saurait pas se nourrir ne serait pas un grand pays ». Suivront les lois d’orientation agricoles de 1960 et 1962, la mise en place de la PAC, le tournant “productiviste”, là encore pour répondre aux demandes de la société et des
pouvoirs publics. Comme l’affirme Michel Teyssedou, ancien secrétaire général adjoint de la FNSEA interrogé dans ce film : « On a massifié et intensifié la production : on a répondu à un choix politique ». Au nom de l’efficacité et du rendement, pour nourrir la France et l’Europe. Une fois de plus, les agriculteurs ont répondu aux objectifs du système… On ne peut nier l’immense travail documentaire effectué par les auteurs qui sont allés fouiller dans les archives publiques mais aussi privées, ces dernières souvent sous-exploitées, se révélant les plus riches et les plus intenses. A ce titre, le fond des autochromes d’Albert Kahn mériterait sans doute un film à lui tout seul. Il faut également saluer le travail de mémoire sur la sociologie agricole et rurale, la mise en perspective du rôle pivot des agriculteurs dans les campagnes à travers les chants, les foires, les comices…
Donner du temps
Le premier maître mot qui domine ce documentaire, c’est la « prise de conscience » : Prise de conscience grâce à la jeunesse agricole catholique (JAC) qui a incité « à casser les codes ». Elle a en ce sens, constitué le creuset d’une révolution des mentalités. « L’Église s’est occupée de nous. Elle nous a fait réfléchir sur le sens de notre vie », témoigne Michel Debatisse (1929-1997) créateur du Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA) et président de la FNSEA (1971-1978). Autre prise de conscience : celle de la valeur du travail qui ne se retrouve pas forcément dans la valeur de l’alimentation. Tout aussi forte est la perception qu’un modèle est sans doute allé trop loin. Mais à qui la faute ? Très certainement pas à ceux qui, les années passant, sont péjorativement appelés les « culs-terreux ». Un second maître mot revient dans les témoignages des uns et des autres mais finalement peu dans les commentaires : celui du temps au sens de la durée, des années qui s’égrènent. Voilà ce que demandent les agriculteurs aujourd’hui, qu’ils soient anciens ou jeunes. « Que l’on donne du temps au temps », aurait dit un ancien chef de l’État. Laisser du temps pour une énième fois que le monde agricole s’adapte aux exigences parfois capricieuses d’une société en manque de repères. Car urbaine à plus de 80 %, elle semble ne plus avoir les pieds sur terre. Elle est totalement “hors-sol”, ne s’intéressant pas et ne comprenant rien au métier de paysan ou d’agriculteur.