GNR
Semaine agitée autour de la fiscalité des carburants agricoles
En annonçant la semaine dernière la suppression de la niche fiscale sur le GNR agricole, et ses 1,3 milliards d’euros, avant de rétropédaler cette semaine, le ministre de l’économie a bien agité le monde agricole.
En annonçant la semaine dernière la suppression de la niche fiscale sur le GNR agricole, et ses 1,3 milliards d’euros, avant de rétropédaler cette semaine, le ministre de l’économie a bien agité le monde agricole.
Cela faisait plusieurs mois que la petite musique de la suppression de la niche fiscale du gazole non routier (GNR) flottait dans l’air. Les choses se sont accélérées la semaine dernière avec plusieurs prises de parole dans les médias du ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, qui confirmait la suppression de cette niche sur le GNR pour les agriculteurs et les entreprises du BTP, justifiant cette annonce par la volonté de « passer notre fiscalité d’une fiscalité brune à une fiscalité qui valorise les investissements verts ». Ce dernier indiquait en revanche samedi sur France info que les transporteurs ne seraient, eux, « pas concernés » par cette mesure. « Je ne vais pas affaiblir nos transporteurs » développait le ministre, évoquant un niveau de taxation du gazole pour les transporteurs routiers déjà supérieur à celui pratiqué par d’autres pays voisins. Dans les faits, à l’heure actuelle, le niveau de la TICPE appliquée au gazole en France est de 3,86 centimes du litre pour les agriculteurs, 18 centimes pour les travaux publics, 45 centimes pour les transporteurs routiers et de 60,75 centimes pour le gazole blanc.
Bien sûr, les réactions n’ont pas tardé à pleuvoir du côté des agriculteurs qui ont été nombreux, sur les réseaux sociaux, à pointer le double discours du Gouvernement sur la souveraineté alimentaire et l’impasse technique dans laquelle ils se trouvent pour se passer demain du GNR. De son côté, la FNSEA, dans un communiqué du 7 septembre, se disait « totalement opposée » à cette suppression brutale. Le lendemain sur RMC, son président Arnaud Rousseau déclarait qu’il n’était « pas question que ce soit supprimé de manière abrupte. C’est une ligne rouge ! », et de poursuivre « Demander un effort, une mutation du brun vers le vert, pour reprendre l’expression du ministre de l’Economie, cela nécessite des solutions. Or, aujourd’hui les solutions sont peu nombreuses. Pour nous, c’est un sujet de compétitivité ! ». Taclant au passage le Gouvernement, le président de la FNSEA rappelait que « cela fait 4 ans que nous proposons au Gouvernement de construire une trajectoire permettant d’aboutir à des solutions alternatives au GNR, comme les carburants verts, l’hydrogène ou l’électricité, et depuis 4 ans, la FNSEA n’obtient pas de réponse des autorités ! »
Une trajectoire progressive de relèvement de la TICPE
Arnaud Rousseau a finalement été reçu par Bruno Le Maire, ce lundi 11 septembre. De cette entrevue est sorti un tout autre discours de la part du ministre qui, le lendemain sur LCI, rétropédalait en quelques sortes : « Je pense qu’il y a eu une incompréhension. Et les mots que j’ai employés n’étaient certainement pas les bons. J’ai été 3 ans ministre de l’agriculture et je porte l’agriculture et les paysans français dans mon cœur. Donc si ils ont compris que du jour au lendemain, entre 2023 et 2024, on allait supprimer tout l’avantage fiscal sur le GNR, je leur prie de bien vouloir m’excuser parce que ce n’est pas du tout ce que je voulais dire ». Dont acte. Très concrètement, un accord a été trouvé sur un relèvement de la TICPE du GNR dans le secteur agricole de 2,85 centimes par litre par an, dès 2024, ce qui conduirait pour l’agriculture à une fiscalité de 23,81 centimes par litre en 2030, contre un tarif « normal » de 60,75 centimes. En contre partie, Bruno Le Maire annonce et s’engage « à ce que l’intégralité de ces recettes fiscales soit reversée aux agriculteurs, pour qu’ils puissent transformer leurs exploitations, investir, accompagner comme ils le font depuis maintenant des années la transformation écologique ».
Quelles compensations pour les agriculteurs ?
Bercy qui promet donc de rétrocéder « intégralement » le gain budgétaire pour l’Etat au monde agricole, s’est engagé auprès de la FNSEA à mettre en place les mesures de compensations suivantes :
- une hausse des plafonds d’exonération des plus-values professionnelles des petites et moyennes entreprises pour le secteur agricole de 40 %, soit 350 000 € pour l’exonération totale et 450 000 € pour l’exonération partielle.
- une augmentation du plafond du micro-BA avec un passage à 120 000 euros de recettes hors taxe (contre 91 900 euros aujourd’hui).
- une augmentation du plafond maximum de déduction de la DEP qui passe à 50 000 euros.
- un système d’acompte de 50% sur le remboursement de la TICPE pour tenir compte du différentiel plus important entre le prix d’achat du GNR et la taxation résiduelle des agriculteurs.
- la mise en place pour 2025 d’une aide fiscale (crédit d’impôt ?), afin d’accompagner les transitions des exploitations agricoles.
Saluant dans une vidéo la mobilisation du réseau FNSEA sur ce dossier du GNR « qui nous occupe depuis quelques semaines », Arnaud Rousseau actait avec soulagement cette nouvelle donne : « Nous mesurons l’inquiétude vive sur le sujet dans le réseau. Mais les mesures obtenues sont une réelle victoire syndicale pour la compétitivité de nos exploitations! Nous en sommes convaincus ! » concluait-il.