Visite
Situation très préoccupante dans le verger angevin
À Champigné, vendredi dernier, le préfet de Maine-et-Loire est venu rencontrer les acteurs de la filière arboricole. Celle-ci attend des mesures d’allègement du coût du travail.
Àquelques mois du Sival, nous sommes inquiets. À quoi cela servirait-il aux producteurs d’y venir chercher des solutions d’avenir si, à court terme, leur situation est sans issue ? », s’interrogeait Bruno Dupont, vendredi dans une station fruitière de Champigné, où le préfet de Maine-et-Loire était invité. Le président du Syndicat départemental des producteurs de fruits mais aussi du Salon des productions végétales spécialisées n’a pas caché « l’anxiété » des professionnels.
« Nous avons fini la campagne de manière catastrophique. Il faut soulager les trésoreries à court terme.
J’espère que l’on va trouver des solutions avant d’aller défiler dans la rue, parce que ce n’est pas notre métier ».
La campagne 2008-2009 a été atypique et décevante. Malgré une faible récolte française et une production européenne dans la moyenne, la baisse de consommation des ménages et le glissement vers les premiers prix, les difficultés d’exportations (entre autres pour des questions de parité monétaire), ont conduit à un marché français engorgé et des stocks conséquents avec des prix de règlement inférieurs de 20 à 30 %. La récolte en Maine-et-Loire a commencé début septembre avec une baisse des prix expéditeurs de l’ordre de 20 % d’après le Service des nouvelles du marché. Et les orientations annoncées à l’issue de la table ronde fruits et légumes qui tendent vers une réduction du coûts du travail saisonnier sont jugées « partielles et largement insuffisantes » par la FNPF (Fédération nationale des producteurs de fruits).
Plus aucune pomme vers l’Angleterre
Conséquences, des producteurs ont été amenés à limiter, voire cesser pour certains la collecte en laissant des pommes sur les arbres. C’est le cas aux Vergers de la Cochetière à Champigné : « Excepté en variétés club, où nous ramassons toutes les pommes, nous laissons des fruits sur les arbres, entre 10 et 20 % selon les variétés, confie Éric Sarazin, responsable avec son frère de l’entreprise familiale les Vergers de la Cochetière. Nous n’avons tout simplement pas les capacités de stockage nécessaires pour les conserver ».
En effet dans les frigos de l’exploitation, les stocks s’accumulent : « Voici des pommes qui étaient destinées au marché anglais, montre Éric Sarazin au passage dans la chambre froide. Les GMS anglaises n’en veulent plus, elles achètent à présent des pommes produites sur place à des tarifs beaucoup plus compétitifs que les nôtres ». Pour les Vergers de la Cochetière, le marché export représentait jusqu’ici 50 % des débouchés, dont 45 % en Angleterre.
Les charges pèsent et entraînent des distorsions de concurrence que ne cessent de dénoncer les producteurs : le coût horaire de la main-d’œuvre saisonnière est de 12 euros en France, quand il s’établit à 6 euros en Allemagne, 7 euros en Espagne, 8 euros en Italie, et 7 euros en Belgique. « Les pouvoirs publics de ces pays, contrairement à la France, ont fait le choix de maintenir un tissu rural en préservant des filières qui sont sources d’emploi, grâce à des systèmes de contrats saisonniers, constate le producteur. Il est clair que, sans choix politique dans ce sens, il n’y a pas de solution pour l’arboriculture française. Je suis vraiment inquiet ».
Des emplois menacés
Des vergers jusqu’à la station, le préfet Marc Cabane a pu toucher du doigt les réalités de la production. Une production dans laquelle la main-d’œuvre représente 50 % des charges des entreprises, dans le département. C’est sur ce levier que des mesures pourraient être prises, ont dit au préfet les acteurs de la filière : il faut des moyens pour alléger rapidement la trésorerie des exploitations. Le SDPF demande « une année blanche bancaire pour 2009, un emprunt national pour régler les cotisations sociales 2009, des mesures annexes classiques mais nécessaires ». Rapidement aussi elle demande des moyens pour permettre de démarrer la campagne 2010. Plus largement, c’est un allégement du coût du travail qui est demandé « afin de gagner en compétitivité européenne », mais aussi une harmonisation de l’accès aux produits de
traitement des cultures.
Actuellement, le verger de Maine-et-Loire est le deuxième en France avec près de 11 % de la production nationale. Mais les mesures d’arrachage ont considérablement touché la structuration du verger de pommiers. Entre 2005 et 2007, on a assisté à une diminution de l’ordre de 7,8 % de la surface des vergers angevins. L’enjeu, c’est aussi la préservation des emplois dans la filière arboricole dans le département, ont fait valoir les arboriculteurs au préfet : « Un hectare, c’est un emploi, », a résumé Marc de la Garde, du SDPF. En termes d’emplois, la filière arbo du département représente en 2008, selon la MSA, 11 000 emplois (près de 2 000 ETP). « Nous sommes arboriculteurs depuis la quatrième génération, nous ne voulons pas être les derniers », a conclu Éric Sarazin.
S.H.
Innovation
Des pommes “prêtes à croquer” en sachets
Cette visite était aussi destinée à montrer le dynamisme et les capacités d’innovation de la filière. Les Vergers de la Cochetière ont présenté leurs sachets de pommes en quartiers, lavées, prêtes à la consommation. Ces sachets sont commercialisés dans la chaîne la Mie Caline. Ils se conservent 14 jours au frais. « Il y a des produits innovants qui facilitent l’accessibilité des consommateurs au produit pomme, souligne Bruno Dupont. Ce serait intéressant que les élus s’y intéressent et montrent l’exemple au niveau des institutions publiques, écoles, hôpitaux… ».