Bilan de santé
Trouver un compromis dans la répartition des aides
Entre filières et régions, l’arbitrage semble difficile. Le ministre de l’Agriculture prend quelques jours de plus pour rendre ses conclusions le 20 février prochain.
C’est le 20 février, et non le 12 comme initialement prévu, que le ministre de l’Agriculture devrait, en principe, rendre son arbitrage en matière de bilan de santé de la Pac, dans le cadre du Conseil supérieur d’orientation. À moins que le président de la République, Nicolas Sarkozy, ne décide d’annoncer lui–même les dispositions retenues, à l’occasion du Salon de l’agriculture. Le report de quelques jours en dit long sur l’enjeu que recouvre une telle décision et sur les différences d'appréciation au sein de la famille agricole. Toute la question est aujourd’hui de savoir s’il est possible de trouver un compromis en interne. En Maine-et-Loire, les sections spécialisées ont avancé leurs propositions. Toutes retiennent la notion d’actifs et la spécificité liée à la taille et au système des exploitations.
Prendre en compte la notion d’actifs
La FNB tenait son congrès national la semaine dernière à Cherbourg. « Il nous faut absolument un soutien différencié », y a rappelé Pierre Chevalier, son président. « On ne peut traiter de la même façon les éleveurs qui dégagent un revenu de 10 000 euros par an et des céréaliers qui disposent de 30 000 euros ». Pour Jean-Pierre Fleury, le nouveau secrétaire général de la FNB, le soutien spécifique des productions à l’herbe et le maintien du couplage de la prime à la vache allaitante n’est pas discutable. « Pourquoi renoncer au couplage de la PMTVA alors que Bruxelles ne l’a pas remise en cause dans le bilan de santé de la Pac ? », insistait-il. Pas plus que les pouvoirs publics français. On se souvient que Michel Barnier, lors de sa venue en Maine-et-Loire, avait pointé cette particularité devant ses collègues européens. Depuis, « dans un souci de responsabilité », la FNB a proposé une contribution jusqu’à 25 % de la PMTVA aux crédits de réorientation. Mickaël Bazantay, présent au congrès de Cherbourg, a exprimé la crainte de la région que « ce découplage à 25 % fragilise l’élevage de l’Ouest et entraîne une disparition importante des vaches et un affaiblissement tel de la filière que nous ouvrions très grand nos portes à l'importation et laissions partir toute la valeur ajoutée générée par notre région ». Le responsable de la section bovine insiste pour que « la notion d’actifs soit prise en compte et que le retour se fasse à la surface fourragère et non uniquement à l’herbe. Sinon, pense-t-il, la contribution des éleveurs de l’Ouest sera telle qu’ils risquent d’être fortement ponctionnés et mis en grande difficulté. » De leur côté, les céréaliers ne veulent pas être « les seuls à payer ». Lors de la clôture du sommet du Végétal, Philippe Pinta avait bien précisé que « le système d’aides actuel devait être profondément revu pour préparer 2013. » Pour Orama, c’est la convergence vers une aide unique à l’hectare qui est la solution Mais cette nouvelle répartition des aides « quasi identique » entre tous les secteurs de productions doit se faire « progressivement », notamment pour les secteurs dont le niveau de soutien va diminuer. Orama estime de huit à dix ans le temps nécessaire à ce « lissage », mais énonce une condition à sa réussite : qu’il y ait découplage total sur toutes les productions et sans recours à l’article 64 qui offre la possibilité de redistribuer les soutiens découplés, ce qui peut représenter 25 % en grandes cultures. Orama exige aussi que « tout soit mis sur la table », à savoir les aides du premier, mais aussi du deuxième pilier. Au plan départemental, « la position de la section grandes cultures rejoint la position régionale », indique Emmanuel Lachaize. Le responsable de la section relativise l’annonce de 40 % de prélèvement : « dans notre région de zone intermédiaire, avec de l’élevage où tout le monde touche des aides céréales, on n’ira pas jusque là, mais attention au secteur est du département avec des scopeurs à 100 % sur de petites surfaces. Idem pour les cultures spécialisées ». Et de demander « le maintien d’un minimum de références historiques et l’harmonisation vers une fourchette de soutiens permettant des prises en compte spécifiques. L’idée du Maine-et-Loire, que l’on souhaite faire passer au niveau national, c’est de servir les premiers hectares et d’écrêter ensuite. » Le responsable professionnel souhaite aussi que des priorités soient clairement définies, au-delà des enveloppes disponibles, en ce qui concerne les fonds de mutualisation (assurance récolte, crise sanitaire, …) : « il faudra que les scopeurs aient des retours ». Pour sa part, la FNPL déclare vouloir « tenir compte de l’intérêt de tous les producteurs de lait, quelle que soit leur localisation géographique ou leur dimension économique » et a demandé au ministre de l’Agriculture la mise en place d’une aide économique concentrée sur les premiers hectares, par l’activation de l’article 64. Une aide qui tiendrait compte des actifs et qui ne serait pas uniquement basée sur la production d’herbe mais sur tous les systèmes fourragers, pour ne pas fragiliser les 22 000 producteurs de lait considérés comme « intensifs » dans les zones de plaine. Parallèlement, un soutien spécifique du premier pilier viendrait aider les zones de montagne, à hauteur de 40 euros/1 000 litres. Des aides émanant du second pilier permettraient de relever les nouveaux défis liés aux enjeux environnementaux. S’il n’est pas opposé à un écrêtement sur les plus forts DPU, Alain Cholet, le président de la FDL, pointe du doigt le risque qu’encourent les exploitations de la région : « Au total, ça fait des DPU modestes à l’unité de travail et peu, par rapport à certains DPU totaux dans d’autres productions. Attention, prévient-il, à ne pas décourager les éleveurs ». Enfin, du côté de la FNO, il paraît indispensable de rééquilibrer le niveau de soutien couplé des ovins au niveau de la PMTVA, sous la forme d’un supplément de 27 euros/brebis allaitante et pour toutes les brebis de France, quelle que soit la zone (voir en page 9). Position soutenue par la section départementale. M.L.-R.
Jean-Michel Lemétayer
« Rester dans des proportions acceptables »
« Tout le monde joue de la calculette, mais pas moi », a prévenu le président de la FNSEA qui a présenté, jeudi dernier, ses priorités pour le bilan de santé de la Pac. Pour lui, il est essentiel de rapprocher le niveau des aides entre les producteurs dans un effort supportable pour chacun. « Le ministre doit faire extrêmement attention à faire en sorte que les prélèvements restent dans des proportions acceptables », insiste-t-il. Selon Jean-Michel Lemétayer, le découplage total des aides n’est pourtant pas une nécessité dans le secteur animal. Désormais, il se gardera bien d’utiliser le terme de « convergence » des aides : « cela sous-entend, l’instauration d’un DPU unique, ce qui n’est pas une politique en soi », précise- t-il. Sa grande crainte porte sur le deuxième pilier de la Pac. La modulation apporte de nouvelles recettes qui appellent légitiment un cofinancement de l’État. « La manipulation serait de nous faire payer la politique de développement rural avec le moins d’engagement possible de l’État ». N. Ouvrard