Crises
Un plan insuffisant face à la situation des exploitations agricoles
Si le montant annoncé est conséquent (1,650 milliard d’euros), le plan proposé par le Président de la République ne calme pas toutes les inquiétudes. Les modalités d’application restent à définir.
Les premières aides pour les agriculteurs arriveront dès la semaine prochaine. C’est le ministre de l’Agriculture, Bruno Le Maire, qui l’a annoncé, le 2 novembre dernier, à l’issue de la réunion de calage pour le déblocage des aides, réunion avec les syndicats représentatifs du secteur agricole.
« La somme sera engagée dans son intégralité avant la fin 2009 », a redit Bruno Le Maire, reprenant ainsi les propos de Nicolas Sarkozy, une semaine plus tôt dans le Jura. Des aides « eurocompatibles », a-t-il assuré.
Pour autant, cette réunion a instillé le doute chez les professionnels. Car le 2 novembre, le ministre s’est contenté d’informer les syndicats sur les modalités d’attribution des aides d’urgence et il n’en a esquissé que les grandes lignes (critères de l’endettement et du revenu) sans entrer dans le détail. Pour le détail, précisément, le ministre de l’Agriculture va écrire aux préfets, lesquels sont chargés de réunir ensuite les différents interlocuteurs nécessaires à la fixation des critères d’attribution des aides. Et là non plus, il ne faut pas se leurrer. « Si la somme paraît impressionnante, elle ne produira pas des aides faramineuses pour tout le monde », a prévenu Christiane Lambert lors du conseil d’administration de la FDSEA, ce mardi. Selon le ministre, les premières sommes devraient être disponibles dès la deuxième semaine de novembre. Tiendra-t-il le délai ? Et, d’autre part, le flou persiste. Comment se partageront les sommes entre les filières ou entre les différents postes comptables des exploitations (consolidation des bilans, trésorerie, redressement des exploi- tations les plus en difficulté).
« Quelles marges de manœuvre dans chaque département ? », s’est interrogé Jean-Paul Piet. « Ce sera à définir avec le préfet. En le rencontrant très vite ». D’ores et déjà, une rencontre avec le préfet de Région était prévue hier, jeudi.
Réactions
« Je pense très peu de choses de cette réunion d'étape et je trouve que les choses sont un peu compliquées. Je me demande si on a envie vraiment de venir en aide à tous les producteurs », a déclaré immédiatement Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA, avant de poursuivre :
« J'attends toujours de savoir si cela sera rapide, simple et efficace ».
De son côté, le Crédit agricole a réagi très vite aux annonces de l’exécutif en expliquant qu’en tant que premier partenaire financier de l’agriculture, il s’engageait « résolument dans la mise en œuvre du plan de soutien ». Dans l’enveloppe d’1 milliard d’euros concernant des prêts, la banque propose trois actions majeures : la mise en place de prêts de reconstitution du fonds de roulement pour pallier immédiatement les difficultés de trésorerie ; la mise en place de prêts de consolidation pour faire face à des difficultés de charge d’endettement qui nécessitent un aménagement de l’annuité 2010 et enfin la mise en place de prêts de restructuration pour traiter les difficultés plus structurelles dans le cadre des procédures “Agriculteurs en difficulté”. Les caisses régionales pourront « adapter ces mesures aux réalités locales afin de contribuer à la réussite de ce dispositif au profit de l’ensemble des acteurs du monde agricole ».
Traduisant le doute qui s’installe quant à la réussite des mesures avant la fin de l’année et surtout l’absence de propositions plus structurelles, de nouvelles actions de la FNSEA et de Jeunes agriculteurs (JA) ne sont
certainement pas à « exclure, parce qu'il faut du concret », a déclaré le président de la FNSEA à la sortie de la réunion.
Pour les exploitations de Maine-et-Loire, notamment les employeurs de main-d’œuvre, la pilule est amère. Ils espéraient 3 euros de prise en charge pour contrer les distorsions de concurrence. C’est 1 euro que leur a grassement accordé le Chef de l’État. Et uniquement sur la main- d’œuvre saisonnière. Même si Bruno Le Maire évoque depuis le montant de 2 euros, le compte n’y est pas.
« Les entreprises agro alimentaires sont concernées elles aussi et ne pourront pas améliorer leur compétitivité, qu’il s’agisse des coûts de main-d’œuvre ou de la monnaie », souligne Gérard Bourcier. Effet de billard également en ce qui concerne la taxe carbone. Si les agriculteurs sont exonérés à 75 % (hormis les exploitations avicoles, voir l’Anjou agricole de la semaine dernière), la hausse imposée aux autres secteurs aura inévitablement des répercussions sur les prix pratiqués par les fournisseurs dans les exploitations. C’est un sujet qui reviendra inévitablement sur la table des négociations.
Sur le terrain, des réunions vont se mettre en place à l’échelon cantonal d’ici fin novembre afin d’expliquer ce dispositif et rendre compte aux agriculteurs, après la formidable mobilisation du 16 octobre, de ce qui a été obtenu, mais aussi des lacunes et des dossiers qui sont toujours en cours.
THIERRY Michel et M. L.-R.
La FRSEA et JA demandent un soutien au Conseil régional
Le Président de la République a proposé mardi dernier un vaste plan de financement pour l’ensemble de l’agriculture. Ce plan répond à une partie des demandes que la FRSEA et Jeunes agriculteurs ont exprimé avec force le Vendredi 16 octobre
à Nantes avec 5 000 agriculteurs et 350 tracteurs. Cependant, ce plan ne sera pas suffisant : les prêts de consolidation à 1,5 % (1 % pour les jeunes) ne remplaceront pas “l’année blanche” demandée ; l’exonération de 1 €/heure pour les travailleurs saisonniers est très inférieure à la prime de 3 €/heure travaillée demandée. À travers un courrier adressé à Jacques Auxiette, président du Conseil régional des Pays de la Loire, la FRSEA et Jeunes agriculteurs viennent de solliciter un soutien financier exceptionnel de la Région pour l’agriculture : « Ce soutien pourrait prendre plusieurs formes, expriment Joël Limouzin et Florent Renaudier, les deux présidents des structures syndicales : prise en charge partielle des intérêts des prêts de consolidation pour que les taux soient ramenés à 0 %, mise en place d’un fonds de garantie pour permettre aux agriculteurs les plus endettés d’avoir accès aux prêts de consolidation, abondement des mesures nationales prises… ». « L’agriculture est l’une des plus grandes richesses de la région en terme d’économie, d’emplois, de gestion du territoire, a ajouté Joël Limouzin ; il faut préserver cette richesse, à tout prix ». La FRSEA et Jeunes agriculteurs souhaitent également que les autres collectivités territoriales aident l’agriculture à passer ce mauvais cap, en demandant à l’ensemble des collectivités de « transcender les clivages politiques ».
Jean Paul GOUTINES, FRSEA