SIA ET SIMA
Une fermeté de « roc » dans les négociations à l’OMC
Au Salon de l’agriculture, Jacques Chirac s’est dit profondément choqué par l’attitude du commissaire européen au Commerce, très tenté de faire de nouvelles concessions aux Américains.
Des concessions inacceptables aux Américains
L’occasion pour Jacques Chirac de rappeler avec détermination certains principes fondamentaux sur l’avenir de la Politique agricole commune : « Il nous faut une Politique agricole commune en Europe, c’est indispensable. On peut imaginer des évolutions qui soient intelligemment conduites en coopération et en concertation avec les représentants du monde agricole. Mais il faut une politique agricole commune jusqu’en 2013 et au-delà de 2013. La France devra être extrêmement vigilante pour le maintien des principes d’une telle politique agricole, élaborée en cohérence avec les caractéristiques propres des agriculteurs français ».
Sur le stand de la FNSEA où le Président de la République a fait une pause de plus de vingt minutes, Jean-Michel Lemétayer a rappelé leur récent entretien (le président de la FNSEA ayant été reçu à l’Élysée par Jacques Chirac, la veille de l’inauguration du Sia). Les organisations professionnelles agricoles sont en effet très inquiètes de l’attitude du commissaire européen, en charge de la négociation pour l’Union européenne à l’OMC, « très tenté de faire quelques concessions nouvelles aux Américains, des concessions inacceptables », selon Jean-Michel Lemétayer. Notamment, la réduction des tarifs douaniers de 54 % en moyenne, et jusqu’à 70 %, voire 80 % sur des produits sensibles comme la viande bovine. D’ailleurs, pendant que le chef de l’État inaugurait le Sia, Peter Mandelson recevait au même moment, à Londres, puis à Genève les 5 et 6 mars, la négociatrice américaine à l’OMC, Susan Schwab, et les ministres brésilien et indien du Commerce, Celso Amorim et Kamal Nath. Objectif de cette mini-réunion informelle des principaux acteurs des discussions à l’OMC : relancer les négociations du cycle de Doha.
« Nous comptons sur vous… »
Face à l’accélération du calendrier des négociations internationales, le président de la FNSEA a demandé le soutien du Président de la République. « Nous comptons sur vous afin que nous puissions garder cette détermination, cette fermeté vis-à-vis des Américains et notamment d’empêcher le commissaire Peter Mandelson de faire de nouvelles concessions qui sacrifieraient une partie de notre agriculture ». Publiquement, Jacques Chirac s’en est pris frontalement au commissaire européen au Commerce : « Je suis profondément choqué par le commissaire européen Mandelson qui ne cesse de vouloir donner davantage, alors qu’en contrepartie les Américains n’ont pas l’intention de faire la moindre concession sur le plan agricole et que les pays émergents n’ont manifesté aucune intention de faire la moindre concession sur les produits industriels et les services. Nous devons donc être d’une fermeté de « roc » en ce qui concerne la défense de nos intérêts. Nous ne pouvons pas suivre ni de près, ni de loin, les tentatives de monsieur Mandelson ». Le jour même, en réponse aux propos du chef d’État français, le porte-parole du commissaire européen au Commerce faisait savoir que Peter Mandelson « agit dans les limites » du mandat qui lui a été confié pour les négociations à l’OMC par le Conseil.
Inquiétude aussi des responsables agricoles à l’encontre de l’Allemagne, soupçonnée d’être prête à moins de fermeté sur le dossier OMC. Mais Jacques Chirac a voulu, là encore, dissiper le doute, faisant part « de l’accord qu’il avait de madame Merkel (Angela Merkel, chancelière allemande, NDLR) », qui préside actuellement l’UE, de ne pas aller au-delà du mandat de négociation consenti à Bruxelles par les États-membres.
Sima
LES COMMANDES AU RENDEZ-VOUS, MAIS LES DÉLAIS DE LIVRAISONS S'ALLONGENT
Dès l’ouverture du Salon, les prises de commande sont là mais les délais de livraison s’allongent. Les entreprises françaises manquent en effet de main-d’œuvre.
Ce dimanche matin du Sima 2007, les visiteurs professionnels se pressent sur les stands. Les innovations présentées sont nombreuses en travail du sol, en pulvérisation, en techniques d’implantation des cultures, en récolte et en traction.Pour ce dernier secteur, les normes d’émissions des moteurs Tier III sont désormais disponibles sur certaines puissances. D’où la refonte de nombreuses gammes chez les principaux tractoristes.
Les nouvelles exigences pour la protection des utilisateurs et de l’environnement lors des applications (fertilisation et pulvérisation) sont à l’origine des innovations sur les séries exposées. La montée en puissance des moteurs permet l’augmentation des largeurs de travail et des performances des chantiers de récoltes : ensileuse de 824 chevaux avec un rotor de 710 mm de diamètre par exemple.
Les visiteurs, en professionnels, viennent pour la plupart dans l’objectif de se documenter en vue d’un achat ultérieur auprès de leur concessionnaire. Mais, une question récurrente bloque certaines prises de décision : le délai de livraison.
En effet, des constructeurs français souffrent actuellement d’un manque cruel de main-d’œuvre spécialisée dans les unités de fabrication. Tous les secteurs sont concernés : travail du sol, semis, pulvérisation, fertilisation, ce qui fait le bonheur d’autres marques européennes qui prennent des parts de marché en France. Cela est d’autant plus dommageable que les machines de nos constructeurs séduisent les autres marchés européens, en particulier les derniers entrants dans l’Union européenne qui ont de gros besoins et apprécient la qualité des matériels français.
La filière agro-équipement française (constructeurs, importateurs et distributeurs) offre des postes nombreux et intéressants malheureusement mal connus du grand public.
Le carrefour de l’emploi mis en place à l’occasion de ce Sima regroupe plus de 600 offres d’emploi dans tous les secteurs : production, vente, marketing, administration, services après-vente.
Michel Portier et Marie-Hombeline Vincent
Élections
LES ATTENTES DU MONDE AGRICOLE
Le monde agricole commence à exprimer ses demandes à l’égard des futurs dirigeants français.
Nous demandons aux futurs dirigeants d’avoir une politique cohérente pour l’agriculture », affirme Philippe Meurs, président de JA. Il évoque notamment ses enjeux alimentaires, énergétiques et l’aménagement du territoire. Dans le cadre de cette politique, la première mesure concrète à prendre est d’inciter les agriculteurs à s’organiser. « Nous devons être capables de peser face à nos marchés », explique Philippe Meurs dont l’organisation a, par ailleurs, envoyé cinq questions aux candidats à l’élection présidentielle.
Le président de la FNSEA demande lui aussi une vraie politique agricole. « Les candidats devraient se positionner sur le dossier de l’OMC et sur l’avenir de l’Europe », demande Jean-Michel Lemétayer. Les futurs responsables politiques sont largement attendus sur le volet international. Selon Xavier Beulin, président de la Fop (Fédération des producteurs d’oléo-protéagineux), il est urgent de prendre une initiative européenne. Les producteurs de lait, particulièrement concernés par le volet accès au marché de l’OMC, entendent aussi interpeller les candidats et le futur gouvernement français sur la défense de la maîtrise de la production et le maintien des instruments de gestion des marchés. Pour la FNB, son président, Pierre Chevalier, réclame « le blocage des négociations à l’OMC. Il faut que les critères de qualité et de sécurité sanitaire y soient introduits et que les mêmes contraintes soient imposées à tous », demande-t-il.
Orama (grandes cultures) attend du futur pouvoir qu’il ait le « souci de contrebalancer l’impact de la faiblesse du dollar ainsi que le dumping économique et social de certains pays tiers ». Quant aux éleveurs de porcs, Jean-Michel Serres réclame la prudence à l’égard de grands pays exportateurs comme le Brésil.
Au-delà du volet international, « il faut une politique d’investissement qui nous rende plus compétitifs », estime Philippe Meurs, qui rappelle que, « quand l’agriculture investit, des emplois qui se développent dans la ruralité. Il faut aussi inciter les citoyens à prendre conscience que l’agriculture est un enjeu de société, du fait de son rôle en matière d’alimentation et non-alimentaire ».
De leur côté, les producteurs de légumes attendent des mesures spécifiques d’allègement des charges de main d’œuvre avec l’instauration d’un « nouveau mode de financement de la protection sociale ». Les producteurs de fruits réclament la mise en oeuvre du plan arboricole et les semenciers la suppression de distorsions de concurrence.
Philippe Mangin, président de Coop de France, préconise deux axes majeurs : solidifier les exploitations avec une fiscalité adaptée et développer la contractualisation des débouchés. Il demande aussi un « lissage des impôts sur les bénéfices sur au moins trois ans pour permettre de résister aux aléas » et la « création d‘un fonds spécifique à la gestion des crises et un autre à la gestion des risques ». Coop de France publie aussi un document présentant “Douze questions agricoles engageant l’avenir”.