Une loi enfin rémunératrice ?
Qu’attendre de la loi Egalim en termes de retour de valeur aux producteurs ? Thème choisi pour l’AG de Seenovia, qui s’est tenue jeudi 6 juin à Angers.
« Pour les agriculteurs, la loi issue des Etats généraux de l’alimentation (Egalim) avait un objectif : une rémunération plus juste, et une meilleure répartition de la valeur au sein de la filière. » Jean-Baptiste Moreau, 42 ans, sait de quoi il parle. A double titre. Député LREM de la Creuse, il a été en octobre 2018 le rapporteur* du projet de loi Egalim à l’Assemblée nationale. Mais il est aussi éleveur – sélectionneur de Limousines. Jeudi 6 juin, au Parc des expositions d’Angers, il a participé à une conférence-débat organisée dans le cadre de l’AG de la société de conseil Seenovia. Aux côtés de Jean-Baptiste Moreau, quatre autres intervenants ont échangé devant 170 adhérents, sur le thème “Engagés pour un retour de valeur ajoutée à nos éleveurs, qu’attendre de la loi Egalim ?” : Elodie Ricordel, présidente de l’organisation de producteurs (OP) laitiers Saint-Père, en Loire-Atlantique ; Thierry Roquefeuil, président du Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel) ; Arnaud Grosset, directeur de l’abattoir Elivia du Lion-d’Angers ; Guy Emeriau, directeur commercial Ouest chez Système U.
Selon son rapporteur, « la philosophie première de la loi Egalim, c’est bien de faire des OP et de la contractualisation les maillons clés » d’une redéfinition des relations commerciales entre l’amont et l’aval. Problème : depuis huit mois, très peu de nouvelles OP se sont constituées... Elles apparaissent pourtant comme un levier efficace, en vue de rapprocher la rémunération du coût de production. « Par cette loi, on n’a jamais prétendu que la valeur allait retomber sur les exploitations par gravité, ou par opération du saint-Esprit.» D’abord parce que les ultimes ordonnances d’application de la loi ont été signées très récemment, début avril. Ensuite, en bovin viande les indicateurs de coûts de production ont été adoptés le 31 janvier, et en lait les indicateurs notifiés par le Cniel à l’Union européenne sont en cours de validation.
« Chez Système U, compte tenu de notre ancrage en zones rurales, nous n’avons pas attendu la loi Egalim pour engager des démarches de contractualisation avec les producteurs », signale Guy Emeriau. Dès 2014 en porc, et en 2016 pour le dossier “Eleveur et engagé”. « Cela nécessite une transparence et une traçabilité totale entre producteurs, transformateurs distributeurs et consommateurs, qu’une loi ne suffit pas à instaurer », poursuit le directeur commercial. La loi fournit un cadre de négociation, cependant « nous devons inscrire le processus de contractualisation dans une perspective encore plus large, celle des attentes du consommateur », juge Arnaud Grosset pour Elivia. Les sondages de l’interpro laitière l’attestent,
« la 1ère exigence du client final, c’est la juste rémunération des éleveurs », abonde Thierry
Roquefeuil.
Impact positif du relèvement du SRP
Un autre outil mis en place par la loi Egalim a déjà eu un impact positif à cet égard, d’après Guy Emeriau. « Le relèvement du seuil de vente à perte (SRP)nous a permis de récupérer de la marge, notamment sur les produits où la guerre des prix faisait rage : Coca, Nutella, Ricard, etc. Conséquence, dans les négociations 2019 avec les producteurs agricoles, globalement on est en mesure de proposer des hausses partout. » Sur les produits laitiers et sur la charcuterie, par exemple, « avec en plus la remontée des cours du porc ». De plus, grâce à « la gestion de péréquations » ces augmentations ne seront pas repercutées de manière systèmatique dans les prix de vente, « ce qu’on avait tendance à faire historiquement », admet le représentant de Système U.
* A l’Assemblée nationale, député désigné pour étudier un projet ou une proposition de loi, et présenter en son nom, en séance publique, ses observations et amendements.