Interview
« Une phase de fragilité comme on n’en a jamais connue en volaille »
Nathalie Langereau, responsable du dossier volaille à la FDSEA49.
Nathalie Langereau, responsable du dossier volaille à la FDSEA49.
Nous subissons comme chacun le sait une inflation sur plusieurs tableaux. En premier lieu l’aliment qui a pris entre 40 et 50 %, et on sait ce que cela pèse pour les granivores. Mais aussi les énergies, l’électricité, le gaz qui a augmenté de plus de 100 € la tonne, sans parler de tout le matériel dont nous avons besoin pour nos réparations et rénovations de bâtiment, et qui flambe de toute part. Honnêtement, nous n’avons jamais vécu pareille situation, même en 2012 où nous avions subi une hausse du prix des céréales. Nous sommes dans une phase de fragilité comme on n’a jamais trop connue en volaille.
A combien estimez-vous les hausses nécessaires à passer pour pouvoir sortir de cette situation ?
Rien que pour couvrir les coûts alimentaires, l’indicateur dont nous disposons dans la filière montre qu’il faudrait passer de façon urgente entre 5 à 6 % de hausse. C’est ce qui s’est fait en Allemagne où la profession arrive à répercuter cette inflation, car il n’y a pas l’inertie que l’on connaît chez nous. Mais cela ne suffit pas. Le deuxième sujet que nous défendons est aussi de ramener clairement un indicateur énergie, et aussi un indicateur coût de construction, qui manquent cruellement. Aujourd’hui, tous les projets de construction ou de rénovation sont bloqués. Personne ne signe de bon de commande. Or dans une filière comme la nôtre, si on ne renouvelle pas, si on ne rénove pas régulièrement nos bâtiments, c’est la capacité française à produire qui glisse gentiment. Surtout dans un contexte où l’on nous demande de réduire les densités, qui nécessiterait au contraire d’augmenter les m² pour conserver notre potentiel de production.
La loi Egalim2 peut-elle vous aider à passer de telles hausses ?
C’est bien connu, on était très en avance sur la contractualisation. Maintenant, cette loi doit nous permettre de rendre systématiques les indicateurs évoqués précédemment. Nous y croyons. L’autre point positif, selon moi, vient de l’interprofession Anvol, créée il y a 3 ans, et qui est une interprofession longue puisqu’elle inclut la grande distribution. On arrive à s’y parler. Des messages passent et la confiance s’établit, ce qui fait que les négociations, ou du moins une partie, ne se déroulent plus uniquement dans les boxes, mais deviennent un peu plus collectives, ce qui est une bonne chose.
Ne craignez-vous pas de ne pas pouvoir gagner sur les deux tableaux : vendre « au bon prix » et garder les mêmes volumes qu’avant ?
En effet, probablement que l’on ne pourra pas gagner sur tous les tableaux. Car passé l’illusion de 2020 où le consommateur confiné, avait mis l’accent sur son alimentation, on est retombé depuis dans le monde d’avant, où c’est le porte-monnaie qui décide de l’acte d’achat. Aujourd’hui, 30 % des gens qui entrent dans un magasin arrivent avec un budget calculé à l’euro près ! Et ce n’est pas la crise sanitaire qui va améliorer les choses. Donc on est probablement arrivé au maximum de la capacité du marché français à monter en gamme. Il n’y a qu’à regarder ce qui se passe dans la filière œuf pour s’en convaincre. Mais nous n’avons pas d’autre choix que de réaffirmer que chaque cahier des charges doit être rémunéré selon ses coûts spécifiques. Aujourd’hui il est vital que des hausses soient passées partout, et nous saurons le rappeler dans les semaines qui viennent si certains font mine de ne pas l’avoir compris.