Vers un monde de biosolutions
Le nouveau siège de la société Agrauxine a été inauguré à Beaucouzé, mardi 2 juillet. Ambition de ses dirigeants : devenir le leader français des biofongicides issus de micro-organismes.
Christophe Béchu en avait fait un « dossier stratégique ». Pour le président d’Angers Loire
Métropole, il n’était pas question de laisser Agrauxine s’installer ailleurs qu’en terre angevine. Connue depuis une vingtaine d’années pour ses avancées en matière de lutte biologique contre les maladies du bois de la vigne, l’entreprise était déjà implantée dans la zone économique
d’Angers-Beaucouzé. Mais sur trois sites différents. Désormais, elle dispose non loin de là, avenue du Grand Périgné, d’un siège de 1 400 m2 abritant ses bureaux, laboratoires R&D et chambres de culture. Montant de l’investissement : 2,4 millions d’€. Angers Loire développement (Aldev) et Anjou Loire territoire (Alter) se sont associées dans le portage du projet.
Loué au groupe lillois Lesaffre, propriétaire d’Agrauxine, le bâtiment est sorti de terre en 18 mois. Une trentaine de personnes y travaillent, pour un effectif total chez Agrauxine de 52 personnes - dont 7 à l’international. Son inauguration officielle a eu lieu mardi 2 juillet, en présence notamment de Didier Roisné, maire de Beaucouzé, et d’Antoine Baule, DG de Lesaffre.
« Depuis plus de 15 ans, en partant des levures Saccharomyces - un pain sur 3 dans le Monde est fabriqué avec nos micro-organismes, nous avons cherché à transposer nos méthodes scientifiques à d’autres domaines du végétal », explique le dirigeant. En particulier avec le rachat d’Agrauxine en 2014, suivant 3 axes stratégiques : le biocontrôle des pathogènes, la biostimulation et la bionutrition des plantes.
Gestion du stress biotique
Valérie Nicaise, coordinatrice R&D d’Agrauxine, définit le biocontrôle comme « l’aide à la gestion par la plante d’un stress biotique, c’est-à-dire induit par des micro-organismes - notamment des champignons pathogènes. A ce niveau, nos produits permettent de réguler les populations d’agresseurs ». Dans le cas du botrytis de la fraise ou de la fusariose du blé, entre autres. La biostimulation, en revanche, vise à compenser un stress abiotique, induit par l’environnement : sécheresse, gel, salinité de l’eau, etc.
Dans son laboratoire de biologie moléculaire, Agrauxine travaille d’abord au niveau de l’ADN de la plante. « La 1ère chose que l’on fait ici, c’est étudier le mode d’action d’un produit », rapporte Valérie Nicaise. Les appareils d’analyse vont permettre d’identifier les gènes actifs en période de stress hydrique, par exemple. A quel niveau la substance appliquée va-t-elle conduire à une réduction de l’expression du stress ? Dans la partie biochimie du labo, ensuite, les équipes observent le mode d’action des molécules anti-oxydantes de la plante, « utiles en particulier pour retarder la dégradation des cellules », toujours dans un cas de stress abiotique.
Afin de sélectionner les micro-organismes, la 2e approche suivie par Agrauxine consiste à travailler sur des essais préliminaires in vitro, et non à l’échelle de la plante. Pour sa nouvelle gamme bionutrition, la société s’intéresse notamment à l’assimilation du phosphore. « En l’état, cet élément est faiblement assimilable par la plante, mais le sol contient toute une microflore capable de le solubiliser pour le rendre disponible », indique Valérie Nicaise. L’équipe s’efforce donc d’isoler un micro-organisme apte à assurer cette fonction.
Dans le labo de microbiologie, « nous travaillons directement sur les champignons, levures et bactéries de la collection du groupe Lesaffre », annonce Ronan Kempf, directeur marketing et développement d’Agrauxine. D’abord en caractérisant le potentiel de biocontrôle de chacun, à partir de « tests de confrontation » : dans une boîte de Petri, un micro-organisme auxiliaire est mis en présence d’un micro-organisme pathogène, et les techniciens étudient la « bataille » entre l’un et l’autre pour la colonisation du milieu nutritif. Après identification du meilleur biofongicide, c’est sa viabilité en mélange avec des produits tiers – chimiques ou non - qui est analysée. « Sur les 150 matières actives que nous testons chaque année, seule une petite minorité est incompatible avec nos produits », estime Ronan Kempf.
4 chambres de culture
La visite s’achève par les 4 chambres de culture, situées dans le prolongement des laboratoires. Là, « on fait pousser les plantes et on teste les micro-organismes dans des conditions de température, de lumière et d’humidité les plus proches possibles de la réalité », note Valérie Nicaise. A l’appui de sa démonstration, la coordinatrice R&D expose le cas de Romeo, un produit de biocontrôle à base de parois de levures inactivées. Son application va « induire une réponse immunitaire chez la plante ». Ainsi d’une laitue sur laquelle « on inocule des spores de champignon pathogène Bremia lactucae, afin de suivre le développement et de traiter la maladie ».
Forte de sa nouvelle infrastructure, Agrauxine a mis en marché 2 produits en France depuis février de cette année : Smartfoil (biostimulant) et Julietta (biocontrôle). Le catalogue de la société comprend désormais 8 produits à base ou dérivés de micro-organismes, tous utilisables en AB, distribués par 40 négoces et coopératives en France et 20 à l’export. « Nous leur apportons une expertise technique dans l’accompagnement des changements de pratiques des agriculteurs », rappelle Hugo Bony, DG d’Agrauxine. Dans le futur, l’entreprise ambitionne de commercialiser 27 nouvelles références chaque année. En vue d’augmenter son chiffre d’affaires de 40 % par an à l’horizon 2022.