Comment se protéger contre le gel ?
L'association technique viticole (ATV) 49 organisait jeudi 7 mars une formation sur la lutte contre le gel, s'appuyant sur des résultats de recherche et l'expérience du domaine de la Treille, à Saint-Macaire-du-Bois.
Dans le cadre du projet Climatveg, l'ATV49 travaille depuis 2019 sur des solutions "pour produire du raisin tous les ans" dans la région. Face au réchauffement climatique, et plus particulièrement au risque de gel, les techniciens testent différents moyens de lutte. "Il y a d'abord la lutte passive, rappelle Thomas Chassaing. C'est-à-dire toutes les méthodes qui permettent de limiter la sensibilité de la vigne au gel : on pense à la taille tardive mais aussi à la plantation de haies parallèlement aux rangs de vigne pour ne pas bloquer la circulation de l'air froid. Actuellement nous travaillons sur l'impact des couverts dans l'inter-rang". Les premiers résultats sur ce sujet révèlent que plus l'enherbement est développé, moins il permet au sol de se réchauffer rapidement lors d'un épisode de gel. "Entre une hauteur de biomasse de 5 et 50 cm, les dégâts constatés sur la vigne vont de 8 à 35 %, précise le conseiller. En conditions humides, il faudrait donc travailler le sol au moins une semaine avant le risque de gel". Encore faut-il pouvoir pénétrer dans les parcelles, ce que ne facilite pas la pluviométrie de 2024...
Six tours anti-gel
Dans les moyens de lutte active, la tour anti-gel est le plus répandu dans le vignoble angevin, présentant "une surface plane" et "des îlots groupés". C'est le choix opéré notamment par Thibaut Henrion. Viticulteur à Saint-Macaire-du-Bois depuis 2014, il n'a encore "jamais connu d'année classique" sur son domaine de 42 ha de vignes bio. Producteur d'Anjou rouge et blanc, mais aussi de Saumur et de crémant de Loire, il a dû faire face aux aléas climatiques et au gel en particulier. "En 2016 et en 2017, raconte-t-il. J'ai donc commencé à me renseigner sur les tours en 2018 mais je n'ai pas investi : à mon grand regret. En 2019, j'ai été lourdement touché". En mars 2020, le viticulteur saute le pas et achète 4 tours anti-gel. "Heureusement car en 2021 nous avons eu 14 jours de gel consécutifs, souligne-t-il. Selon l'expertise de mon assureur, j'ai ainsi pu sauver 800 hl sur 18 ha". Depuis, Thibaut Henrion dispose de deux tours supplémentaires, achetées en Cuma : il assure ainsi une protection de son domaine sur 28 ha.
Une utilisation optimisée
"Traumatisés" par ce gel de 2021 qui a marqué les esprits - et les corps, Thibaut Henrion dit avoir perdu 7 kg lors de cet épisode-, les viticulteurs se forment et se renseignent sur les moyens de lutte pour éviter une perte de production de la même ampleur. Jeudi 7 mars, ils étaient une quinzaine, originaires du Maine-et-Loire et de Loire-Atlantique, à participer à la formation organisée par l'ATV49. Selon Thomas Chassaing, entre les tours fixes et les tours mobiles, les premières "sont plus grandes et plus efficaces". "Les tours mobiles vont protéger 2 ha contre le double pour les tours fixes", constate-t-il. Thibaut Henrion déclenche les siennes manuellement "pour être au plus près du risque de gel", en fonction des données relevées par sa station météo. "Je limite ainsi la durée de nuisance sonore pour les voisins et ma consommation de carburant, argumente le viticulteur. Trois de mes tours ont besoin d'un tracteur d'une puissance de 145 cv minimum pour démarrer leur moteur : à raison de 30L/h, j'économise ce que je peux". Ses premières tours ont été achetées 30 000 € - il faut compter le double aujourd'hui- et le coût d'entretien annuel s'élève à 500 €/tour.
Anticiper le volume de bois
Efficace en cas de gel radiatif, la tour ne l'est pas lors d'un épisode de gel advictif. "Dans ces situations, il faut plutôt multiplier les points de chauffe, indique Thomas Chassaing, avec un premier cercle à 30 m et un autre à 75 m de la tour". C'est la pratique de Thibaut Henrion qui dispose de 10 à 14 bidons par tour dans lesquels il fait brûler des souches coupées. "Il faut prévoir des souches d'avance, recommande-t-il. C'est d'ailleurs notre occupation dès que nous avons un temps libre en dehors des travaux des vignes. Et je place un palox de bois par bidon qui dure deux nuits". Le viticulteur craint en effet les épisodes longs de gel et ses conséquences sur sa fatigue et celle de ses quatre salariés. "L'allumage des feux et leur surveillance en pleine nuit par mon équipe, c'est très stressant pour moi", reconnaît-il.
D'autres méthodes de lutte active contre le gel existent mais elles sont moins utilisées par les viticulteurs du Maine-et-Loire, comme l'aspersion. "Nous commençons à étudier l'efficacité des voiles d'hivernage, complète Thomas Chassaing. D'ailleurs nous allons les installer prochainement dans nos parcelles d'essais car la vigne, qui n'a pas eu souvent froid cet hiver, a déjà atteint le stade bourgeon coton".