Aviculture
Composter le lisier de canards grâce à la séparation de phase
À La Poitevinière, la SCEA Grimault a investi dans un séparateur de phase pour traiter le lisier de canards. Une solution à la problématique de l’épandage.
L’élevage d’Alain Grimault, 59 ans, et de son fils William, installé depuis un an et demi et âgé de 28 ans, est spécialisé en canards de barbarie. Il produit chaque année trois lots de 70 000 canards chacun, élevés dans neuf bâtiments, sur 5 000 m2.
L’élevage, situé en zone vulnérable, produit 3 100 m3 de lisier par an. La consommation d’eau et la production de lisier ont été réduites d’un tiers grâce à l’abreuvement par pipettes. Le taux de phosphore est également réduit dans le lisier grâce à l’utilisation d’un aliment phytase.
Mais avec la modification des normes phosphore, qui imposent un plafond de 70 unités /ha (au lieu de 100), le besoin de surface d’épandage a considérablement augmenté. Il a été estimé, selon les normes Corpen à 225 hectares, alors que la capacité d’épandage de l’exploitation est limitée à 131 hectares (60 hectares de terres chez les Grimault et 71 chez des voisins). Alors, à moins de trouver 94 hectares de surface d’épandage, “pour continuer à produire, il fallait soit, réduire l’élevage de moitié, soit investir dans un équipement qui permette une autonomie et une valorisation des co-produits”, a expliqué William Grimault, lors d’une porte ouverte organisée le 20 octobre dernier. Grâce au séparateur de phase et à la production de compost, le besoin d’épandage a été ramené à 97 hectares.
Comment ça marche ?
Vingt-quatre heures avant la séparation de phase, le lisier est mélangé dans la fosse, à l’aide d’une pompe à vis, afin d’obtenir un mélange homogène. Il est broyé pour éliminer les plumes, puis envoyé vers le séparateur de phase, positionné en hauteur.
Le lisier entre dans le séparateur sous pression. “La machine ne fonctionne bien que si elle est réglée à 150 – 200 % de ses capacités”, souligne Jean-Marc Durand, responsable de la production volailles d’Atlanvol, la branche volaille du groupe Cavac. À l’entrée, la machine est gavée de lisier à un débit de 60 m3/heure. Il est filtré à l’aide de grilles de 500 et de 750 microns. Le débit en sortie est ralenti : environ 30 m3/heure. Les équipements (pompe, grilles) ont fait l’objet de plusieurs essais pour trouver les dimensions les mieux adaptées à l’exploitation.
Un pré-compost sort de la machine, tandis que le trop-plein de lisier est renvoyé vers la fosse principale et que la phase liquide est dirigée vers une autre fosse. Le pré-compost, qui contient 35 à 38 % de matière sèche, est transformé en compost (48 à 55 % de MS) dans la plate-forme attenante au séparateur de phase.
Moins d’odeurs
Lorsque les neuf bâtiments d’élevage sont vidés, environ 1 000 m3 de lisiers sont traités en moins de trois semaines. La séparation fonctionne par recyclage, 24 heures sur 24. Les éleveurs sont pleinement satisfaits de cette installation qui piège 40 à 60 % du phosphore et qui élimine les odeurs de 80 %. Chaque année, l’exploitation produit 350 à 400 tonnes de compost. Elles sont acheminées ensuite vers la station de compostage Fertil’éveil, en Vendée, avec laquelle l’élevage a signé un contrat. Le compost se vend entre 15 et 25 euros la tonne.
Pour installer un séparateur de phase, il faut compter entre 35 000 et 60 000 euros, selon les exploitations. Ce prix comprend le séparateur, la pompe, le volet battant, l’armoire, le châssis, la main-d’œuvre d’installation, le local de stockage. Chez les Grimault, un amortissement sur 12 ans est prévu pour les 35 000 euros investis. Le séparateur ne tournant qu’une cinquantaine de jours par an en élevage de canards, le traitement de lisier d’exploitations voisines pourrait, à terme, s’envisager pour valoriser la machine.
S.H.
Normes Corpen*
Des valeurs fertilisantes “surestimées”
Pour la SCEA Grimault, “les normes Corpen* surestiment les valeurs fertilisantes”. L’exploitation a réalisé avec la coopérative Cavac et le laboratoire LCA plusieurs analyses de lisier. Ces analyses concluent à une valeur de 3,8 unités de phosphore par tonne, quand les normes Corpen indiquent, elles, 5,07 unités de phosphore par tonne.
*Comité d’orientation pour des pratiques agricoles
respectueuses de l’environnement.