Machines agricoles
En dépit des incertitudes, les agriculteurs investissent
Les perspectives 2012 tablent sur un maintien des activités, a-t-on appris à l’occasion de la 8e Convention nationale des agroéquipements placée sous le signe de la croissance.
Les agriculteurs investissent. La 8e Convention nationale des agroéquipements, à Bruxelles les 12 et 13 avril, l’a bien montré. “Le marché français des agroéquipements en 2011 s’élève à 4,5 milliards d’euros”, a déclaré Alain Dousset, président du Sedima (Syndicat national des entreprises de services et distribution du machinisme agricole) à cette occasion. En comptant l’activité du marché d’occasion et du service après vente, le chiffre monte à 7 milliards d’euros. Ce niveau exceptionnellement élevé est le résultat de deux années consécutives de hausse. “Il y a eu une augmentation de 20 % des prêts bonifiés entre 2010 et 2011”, constate Pierre Guiscafre, chef de service agroéquipement, environnement, économie, énergie à la FNCuma. Plus globalement, les niveaux atteints l’année dernière sont proches des records de 2008. “Ce résultat renoue avec l’activité de 2008, reconnue comme exceptionnelle”, a déclaré Alain Dousset.
Remontée des cours
Les immatriculations de tracteurs neufs agricoles ont progressé de 21,8 % par rapport à 2010. “Le marché est très positif en 2011, car l’agriculture se porte bien”, affirme Alain Savary, délégué général d’Axema (Union des industriels de l’agroéquipement). Il y a eu en 2011 une conjoncture favorable avec une remontée des cours des céréales, une stabilisation du cours du lait et des perspectives optimistes en betteraves. Néanmoins, toutes les filières ne sont pas logées à la même enseigne. Des différences majeures sont à souligner entre les systèmes de production. Les capacités d’investissement sont plus conséquentes pour les céréaliers et les producteurs de lait que dans les autres filières d’élevage et celle des fruits et légumes. Les concessionnaires sont extrêmement optimistes puisque 86 % d’entre eux envisagent une stabilisation, voire une hausse de leurs activités. Même discours optimiste du côté des coopératives. Les professionnels de la filière des agroéquipements restent attentifs aux évolutions du contexte. La visibilité reste faible et des tensions sur les marchés sont toujours possibles.
Investir pour ne pas disparaître
“Il faut investir et innover pour ne pas disparaître”, a martelé Jean-Paul Betbeze, directeur des études économiques au Crédit agricole lors de la Convention nationale le 12 avril à Bruxelles. “Il ne faut pas que le sous-investissement fasse de l’Europe le réceptacle de la volatilité”, poursuit-il. Pour y faire face, “il faut innover et investir”. L’objectif est de “profiter des montées et pouvoir amortir les chocs”. Sur ce point, Pierre Bascou, chef d’unité analyse économique de l’agriculture de l’UE à la DGAL, a rappelé que “Bruxelles veut redistribuer le soutien public pour permettre à tous les
agriculteurs d’investir et de développer leur capacité de production”. Si les pouvoirs publics entendent bien soutenir les capacités d’investis-sement des agriculteurs, ces derniers ont, eux, des nouvelles raisons de vouloir investir. Alors qu’en 1998, 80 % des investissements étaient réalisés pour des raisons techniques et 20 % pour des considérations fiscales, aujourd’hui, ce sont 40 % des investissements qui sont réalisés pour des considérations fiscales.
Par ailleurs, les comportements des agriculteurs ont aussi évolué sur le type d’investissement. “On ne vend plus le même rapport qualité/prix”, constate Alain Savary. Les agriculteurs recherchent soit du matériel hypersophistiqué, soit du “low-cost”. Les gammes intermédiaires tendent à s’effacer du marché, car les agriculteurs n’y trouvent plus d’utilité. De ce constat découle aussi une évolution à laquelle les industriels et les distributeurs devront s’adapter : au-delà du matériel qu’ils achètent, les agriculteurs sont demandeurs de services. Alain Savary constate également que, lorsqu’il s’agit d’économiser des intrants ou du temps de travail par exemple, les agriculteurs investissent plus facilement.
Chasse aux niches fiscales
Dans un contexte de crise de la zone euro, “Bruxelles pourrait s’attaquer aux niches fiscales”, précise Philippe Laulanet concernant la Pac à horizon 2020. Si, comme l’affirme Joseph Daul, les commissaires “ne lâcheront pas sur le budget”, les niches fiscales sont, en revanche, dans le collimateur des autorités européennes. “La suppression de la DPI (déduction pour investissement) aurait un effet dévastateur”, explique Philippe Laulanet.
De fait, la DPI permet aux agriculteurs de déduire chaque année une fraction de leur bénéfice pour financer leurs investissements. “La DPI permet de faire des économies de trésorerie”, résume-t-il. Par conséquent la supprimer revient à diminuer les capa-cités d’investissements des agriculteurs. “Pour des raisons électorales, la DPI est passée entre les mailles du filet”, mais, passée la période électorale, l’expert craint que sa suppression ne soit de nouveau d’actualité. Par ailleurs, la nouvelle Pac pourrait diminuer les capacités d’investissements des agriculteurs en diminuant leurs revenus. Sont montrés du doigt la redistribution et la convergence des aides qui pourraient entraîner une baisse des aides de base pour les agriculteurs français. Néanmoins, “qui dit baisse des investissements, dit baisse des amortissements”. Le fiscaliste agricole temporise donc sur les conséquences négatives de la proposition de la nouvelle Pac. Parallèlement, les agriculteurs vont être soumis à une obligation de mettre aux normes le matériel agricole dans le cadre de l’éco-conditionnalité. 20 % des outils de traitement ne sont pas adaptés. Il ne s’agit pas de renouveler automatiquement tout le matériel agricole. Des modifications ou des adaptations de matériel peuvent suffire. Et les industriels et les distributeurs de matériel agricole devront être présents pour répondre aux attentes des agriculteurs en terme d’investissements sur cet objectif.