Inondations
Il y a 30 ans, la "crue du siècle"
La crue de fin janvier 1995 a marqué les mémoires des Angevins et pas seulement celles des agriculteurs impactés par les inondations.
Il y a 30 ans, l'Anjou sortait d'une année pluvieuse. Avec 974, 6 mm enregistrés par la station MétéoFrance à Beaucouzé, le cumul de précipitations de l'année 1994 dépassait de 37 % la normale. Les fortes pluies qui se sont ajoutées en janvier 1995 (156,6 mm soit +124 % par rapport à la normale) ont donc provoqué le débordement des rivières du Maine-et-Loire. La crue de la Maine, avec un niveau à 6,69 m au pont de Verdun le 29 janvier, est même qualifiée de crue du siècle, battant le précédent record du 2 décembre 1910.
En barque jusqu'au bureau
À Angers, la Maine a recouvert certains bas quartiers de la ville, du 23 janvier au 7 février, dont celui de Saint-Serge, siège de la maison de l'agriculture, le plus sinistré. Deux salariées de l'Anjou Agricole, aujourd'hui retraitées, se souviennent de cet épisode. "Nous ne pouvions pas accéder en voiture au bureau. J'ai donc laissé ma voiture place Bichon et ce sont les militaires qui nous faisaient traverser la Maine", rapporte Catherine Leberre, en charge des abonnements et des petites annonces. "Pour atteindre la maison de l'agriculture, nous étions transportées dans des barques, à partir de la place Ney. C'était plutôt cocasse", ajoute Arlette Foin, en charge de la mise en page du journal. 13 km de madriers, 9 000 parpaings et 1 700 m de barrières ont été installés par près de 200 agents municipaux durant les 14 jours de crue pour permettre aux habitants de circuler.
Évacuation des animaux
Pas d'arrêt de travail pour la rédaction de l'hebdomadaire agricole donc, ni de fermeture pour l'organisme consulaire, en pleine élections de ses représentants. Simplement le déménagement en urgence des archives, entreposées au sous-sol. Les responsables professionnels étaient sur tous les fronts, et en particulier celui des inondations qui touchaient les exploitations en bordure de la Mayenne, de la Sarthe et du Loir. Dans les basses vallées angevines, 13 000 ha sont sous l'eau. Les habitants de Cheffes-sur-Sarthe doivent quitter leur domicile, comme par exemple Michel Perdreau (1). " Nous avions l'impression d'être en guerre avec l'annonce d'évacuation par porte-voix depuis un hélicoptère", se rappelle l'agriculteur retraité. Plusieurs fermes, dont la sienne, sont obligées d'évacuer leurs animaux. Claude Beaupère et d'Arrie Hansen, éleveurs à Montreuil-Juigné, expriment d'ailleurs leur détresse dans l'Anjou Agricole du 10 février 1995. L'un a perdu "350 m3 d'ensilage d'herbe et de maïs", l'autre "les 1100 litres de lait resté dans le tank". Mais aussi leur gratitude face à l'élan de solidarité des voisins et des collègues, "impressionné par les bras qui se sont présentés avec le matériel pour la remise en état".
Mobilisation syndicale
Denis Asseray, alors président du CDJA, se rappelle avoir constaté les dégâts, en remorque, dans le secteur de Tiercé avec le président de la FDSEA, Marc Colas, le président de la Chambre d'agriculture, Maurice Réveillère, et M Bianic, de la DDAF. Le réseau syndical s'était mobilisé pour l'indemnisation des victimes. L'état de catastrophe naturelle a été reconnu pour 112 communes du Maine-et-Loire, principalement autour d'Angers, mais aussi dans le Choletais, le Saumurois et le Segréen. Si aucune victime n'est à déplorer, la crue de 1995 est devenue la référence pour l'aménagement urbain d'Angers et de son agglomération. "En matière d'aménagement des exploitations, les élevages doivent depuis prévoir des îlots hors d'eau pour leurs animaux", rapporte Jean-François Cesbron, ancien président de la Chambre d'agriculture (2001-2013). Enfin, l'outil numérique Vigicrues permet désormais aux collectivités de mieux anticiper les inondations.