Interview
La coopérative Nord et Loire Tabac prépare sa fusion avec Alsatabac
Pascal Socheleau, président de Nord et Loire tabac, fait le point sur la structure et les perspectives de production.
Les coopératives Nord et Loire Tabac et la coopérative alsacienne Alsatabac doivent fusionner d’ici la fin de l’année. Quel poids aura cette structure ?
La future coopérative représentera 40 % de la production nationale de tabac. Aux 500 hectares cultivés par les 70 planteurs de Nord et Loire Tabac*, vont s’ajouter 1 150 hectares apportés par les producteurs alsaciens. Le projet est rédigé, la décision doit être validée en décembre lors d’assemblées générales extraordinaires des deux coopératives. Avec effet rétroactif au 1er juillet 2014.
Ce regroupement se réalise dans un contexte très délicat pour votre coopérative ?
En effet, la coopérative rencontre des difficultés économiques liées à plusieurs facteurs. Tout d’abord, il y a eu la disparition temporaire des soutiens européens (en 2010 et 2011) qui a engendré un déficit de 800 000 euros. Et les mauvaises récoltes successives (2012 et 2013) ont entraîné une indemnisation des planteurs par la caisse d’assurance interne. L’achat, en 2011, d’une machine à récolter américaine, a contribué davantage à ces difficultés.
Face à cette situation, dans l’intérêt des producteurs, nous avons préféré nous rapprocher de la coopérative Alsatabac. Nous avons procédé à une restructuration du personnel dans le but de réduire les prélevements auprès des producteurs. Nous avons licencié le personnel administratif du site de Trélazé. Seul, un technicien travaille aujourd’hui sur la zone Anjou et un autre sur le Nord. Concrètement, depuis le 15 juin dernier, la partie administrative est déjà gérée depuis Strasbourg.
Que devient la machine à récolter le tabac burley ?
Nous avions placé beaucoup d’espoirs dans ce prototype, acquis avant tout pour réduire le temps de récolte. La mise en cadre se faisait au champ. Mais nous avons été confrontés à un certain nombre de problèmes, notamment pour mettre à disposition la machine sur un territoire très étendu. L’année dernière, la récolte s’est prolongée jusqu’au 1er octobre. Cela a créé des tensions entre producteurs. Le fait que ce soit un prototype a causé aussi des soucis de fiabilité.
Depuis cette année, deux planteurs de Maine-et-Loire et trois autres d’Indre-et-Loire l’exploitent sur environ 17 ha.
Comment s’est passée la saison qui s’achève ?
En terme de qualité, on se situe dans la très bonne moyenne. En rendement, on a bénéficié d’un superbe mois de septembre qui a permis de ramener des kilos de matière sèche. On doit toutefois déplorer, sur la zone Anjou-Touraine, de faibles attaques de mildiou et de sclérotinia occasionnées par le froid et l’humidité de la première quinzaine d’août. En terme d’indemnisation, c’est une année normale avec 30 ha endommagés par des coups de vent dans la région nord de la coopérative. En revanche, les dégâts ont été plus étendus en Alsace où 200 hectares ont dû être détruits.
Quelles sont les perspectives de production ?
Notre objectif est le maintien des volumes de tabac produits en France, de manière à toujours intéresser les industriels. Car la demande est là. Il y a notamment quelques perspectives en bio.
La production hexagonale ne représente qu’une goutte d’eau dans la production mondiale, mais elle est soumise à des cahiers des charges stricts en matière culturale. C’est pourquoi le projet gouvernemental anti-tabac de paquets “neutres” nous inquiète, car une telle mesure ouvrirait la porte aux tabacs de contrebande.
Quels leviers pour maintenir la production, alors que les surfaces sont en baisse ?
Cela passe avant tout par une revalorisation des prix. Après deux années sans soutiens européens (2010 et 2011), le tabac a bénéficié d’une enveloppe dans le cadre de l’article 68 de la Pac, sous forme d’une aide au kilo produit. En 2015, cette enveloppe sera basculée dans l’article 26,6. Ce qui signifie une baisse des soutiens. Les planteurs attendent des entreprises qu’elles mettent la main à la poche afin de compenser cette baisse. Ce que les producteurs souhaitent aussi, c’est que les industriels affichent un prix moyen sur trois ans, contre un an jusqu’ici. Cela donnerait encore plus de visibilité.