Horticulture
La fleur coupée face à ses défis
Au Salon du Végétal, une journée sera consacrée à la fleur coupée*. Reportage chez Froger Fleurs, producteur depuis trois générations à Sainte-Gemmes sur Loire.
Les entreprises de fleurs coupées se font de plus en plus rares en France. On en recensait seulement 278 sur le territoire national en 2021**, et sans doute encore moins aujourd'hui. En Anjou, les producteurs doivent se compter sur les doigts de la main, constate Guillaume Froger, gérant avec sa sœur Emmanuelle de l'entreprise familiale. "Mon grand-père a créé l'entreprise, raconte-t-il. Quand mes parents ont repris derrière lui, il devait y avoir plus de 100 entreprises de fleurs coupées sur le département. Aujourd'hui il doit en rester au maximum 5... Et vu la complexité de produire, il est évident que cela ne va pas aller en augmentant". Froger Fleurs a su résister face à un marché international de la fleur très concurrentiel. Sur 5 hectares, l'entreprise produit principalement des roses, des gerberas, des lys, des alstrœmères et des chrysanthèmes, toute l'année. S'y ajoutent la longue liste des productions saisonnières, tulipes, pivoines, tournesols, célosies, matricaires, statices, muguet, renoncules, œillets de poète, solidagos, etc...
Peu d'intermédiaires, diversité d'offre
Elle commercialise principalement sa production en direct auprès des fleuristes (Grand Ouest et Région parisienne). "Nous sommes producteurs grossistes. C'est d'ailleurs grâce au fait que nous ayons raccourci la chaîne de commercialisation que nous sommes encore là", souligne l'horticulteur. L'entreprise mise sur la diversité de l'offre proposée aux fleuristes, explique-t-il en parcourant une serre où fleurissent 80 variétés de gerberas : "sur une telle surface, en Hollande, il n'y aurait que 4 variétés !", illustre-t-il. Plus de variétés, c'est aussi plus de contraintes et de coûts de production, plus de technique, notamment pour la cueillette, mais aussi des prix de vente plus soutenus.
Des clients concernés par l'origine des fleurs
Grand défenseur des circuits de commercialisation locaux, Guillaume Froger est l'un des membres fondateurs du label Produit en Anjou, lancé en 2011. L'entreprise est également labellisée Fleurs de France. Son dirigeant tire un bilan plutôt positif quant à l'évolution récente de la commercialisation : "je m'étais dit qu'avec l'émergence des réseaux sociaux, d'internet..., on allait se retrouver avec des clients qui allaient faire des achats à droite, à gauche, et que l'on allait plus voir personne. En fait, on s'est retrouvé avec de jeunes fleuristes extrêmement concernés par les productions locales, des gens qui sont vraiment dans la protection et le développement de leur territoire".
Les paradoxes de la lutte biologique
La demande locale se maintient bien, et cela est plutôt porteur pour la fleur coupée, dont les prix de vente se tiennent. Mais encore faut-il pouvoir produire. Et en cela, la question de la protection des plantes est une préoccupation au quotidien pour le producteur. "Pour vendre, on se doit d'avoir des plantes en bon état phytosanitaire. Or aujourd'hui, on retire de produits de la commercialisation à tour de bras, et cela sans compensation, constate Guillaume Froger. Pour les frigos par exemple, nous avions des gaz frigorigènes qui devenaient très polluants. L'État a voulu les supprimer et nous a aidés avec des subventions pour renouveler l'outil. En soi, cela me convient tout à fait dans le principe, que l'on retire des produits phytos. Mais le souci, c'est que l'on arrête ces produits et on nous dit "démerdez-vous". Ça ne marche pas ! Nous n'avons pas de solutions, nous ne sommes pas des magiciens".
Les techniques de lutte biologiques sont largement répandues dans les serres des Ets Froger Fleurs : pièges, lâchers d'auxiliaires.... sont très visibles parmi les roses, les gerberas et autres plantes. Mais la lutte biologique n'est pas déployée de manière suffisante, pour des questions budgétaires. "Ce qui se passe, c'est qu'on limite l'apport de lutte biologique, parce que ça coûte tellement cher qu'on fait attention ! Si c'était subventionné, que ça nous coûtait moins cher, on en mettrait beaucoup plus et on y arriverait beaucoup mieux, suggère Guillaume Froger. Il nous faut des outils pour continuer à travailler !"
La lutte biologique peut avoir des effets indésirables. Une de ses salariées expérimentées, croisée sous la serre prend cet exemple : "le macrolophus, auxiliaire de culture, est efficace contre les mouches blanches, puisqu'il les mange. Mais d'un autre côté, il déforme les fleurs. Une fois l'été arrivé, il faut parfois en jeter 50 %". Arriver à sortir de la production en bon état est un défi de tous les instants. "Sur certaines variétés de roses actuellement envahies de thrips, on est contraint de casser beaucoup de boutons".
Difficultés à trouver du personnel qualifié
Avec sa grande diversité de fleurs et de variétés cultivée pour satisfaire une clientèle exigeante, la production est d'autant plus complexe. Et nécessite du personnel qualifié. Et c'est là que le bât blesse. Sur la quarantaine de permanents que Froger Fleurs emploie, 10 n'ont aucune formation horticole. "Malgré la présence de plusieurs formations dans le bassin d'emploi, nous avons de plus en plus de mal à trouver des gens qui ont un intérêt pour l'horticulture. Cela devient compliqué pour renouveler nos équipes", déplore en effet Guillaume Froger.