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LAIT
La maîtrise des volumes passera par les coopératives

Depuis le 1er juillet, les coopératives doivent se mettre en règle avec le décret sur la contractualisation. À ce jour, l’ensemble de celles-ci ont révisé leur règlement intérieur.

Alain Cholet.
Alain Cholet.
© Anjou agricole
L es conseils d’administration des coopératives laitières ont tranché. Ces agriculteurs élus par d’autres agriculteurs ont eu la lourde responsabilité de valider de nouvelles règles pour les producteurs de lait, associés coopérateurs ou non. La mise en conformité des règlements intérieurs des coopératives laitières a été réalisée conformément au décret sur la contractualisation laitière détail-lant les clauses contractuelles de la LMAP (Loi de modernisation agricole). Le timing du 1er juillet a été respecté. Seule la coopérative Isigny a modifié ses statuts pour cause de durée de contrat qui ne correspondait pas. C’est dans ce cas l’assemblée générale qui officie et non le conseil d’administra-tion. La coopération, prudente, n’a pas été extraordinairement précise concernant certaines clauses comme les modalités de la collecte (horaire et fréquence...). Les coopératives étaient tenues de préciser la durée du contrat ; les caractéristiques du lait à livrer et les volumes ; les modalités de col-lecte ; la fixation du prix du lait ; la facturation et les modalités de révision de contrat. Les règlements intérieurs ne sont donc pas aussi complets que les propositions contractuelles des industriels privés qui atteignaient, pour quelques-unes, pas loin de 40 pages. Toutefois, le bulletin d’engagement signé par chaque sociétaire peut également comporter des précisions sur les modalités du “contrat coopératif”. Reste que ce qui a été présenté par la coopération comme une simple formalité n’en est pas toujours une. Difficile toutefois de faire une généralité de règlements intérieurs répondant à un contexte stratégique différent selon les coopératives. 

Des règles modifiées en cours de route
Face à la crainte d’une explosion de la production laitière, certaines coopératives, comme Sodiaal ou Laïta, introduisent un système de double prix et double volume pour la campagne 2011-2012. Le règlement intérieur de Sodiaal précise ainsi que “le conseil d’administra-tion de la coopérative fixe chaque année le budget prix du lait et les volumes de référence auxquels il s’applique conformément à la réglementation sur les quotas laitiers”. Les principes suivent les bases suivantes : “La possibilité d’établir des volumes différenciés mensualisés ; la possibilité d’établir des prix différenciés en fonction de ces volumes ; la prise en compte des tendances publiées par le Cniel (...) et la nécessité de prendre en compte le marché régional au travers de la création d’un fonds d’adaptation régional (...)”. De manière plus précise, le volume A correspondra à 96 % du quota lors de cette campagne, peut-être 85 % du quota en 2015. D’autres coopératives comme Laïta envisagent de quantifier le volume A selon valeur du quota au 31 mars 2011. Le volume B sera un volume supplémentaire suite aux hausses de quota consenties par l’Europe. D’autres combinaisons sont évidemment possibles avec un pourcentage de quota définissant le volume A. Comme précisé dans ces règlements intérieurs, le prix A s’appuie sur les tendances interprofessionnelles. Le prix B se fonde sur la valorisation beurre-poudre (produits dits industriels).

Visibilité et liberté
Cette introduction d’un principe de différenciation des prix et des volumes est un changement que l’on peut considérer comme substantiel, si on se réfère aux règles prévalant jusqu’ici de l’apport total et du prix “moyennisé”. Cette mise en conformité des règlements intérieurs n’est donc pas un simple toilettage pour certaines coopératives. Cette logique visant à limiter les effets pervers d’un afflux de lait est donc effective bien avant la fin des quotas. La difficulté est que les modalités techniques seront modifiables à chaque campagne, voire dans un timing plus court. Il est compliqué, dans ce contexte, d’avoir de la visibilité pour un producteur de lait. Derrière ces modalités visant à établir les relations entre un producteur de lait et sa coopérative, se pose aussi la question de la liberté de choix de l’éleveur. “La liberté de choix doit être instituée” dans ce type de relation, font valoir des observateurs. Un producteur de lait peut avoir intérêt à se positionner sur du volume A, plutôt que “faire une partie de B” dans sa logique de chef d’entreprise. En clair, il devrait pouvoir dire “je prends ou pas ce volume” à un prix donné. 

Information en temps réel
Le système développé par Sodiaal (Asap) est intéressant, explique Christèle Josse, la directrice de la FNCL (Fédération nationale des coopératives laitières). Lancé en avril 2009, le projet Asap a pour objectif d’aider Sodiaal à gérer au mieux l’équilibre entre les volumes de lait livrés par les sociétaires et les besoins des sites de trans-formation. Pour cela, les producteurs adhérents sont invités à saisir via l’extranet (www.  producteursdelaitsodiaal.fr) leurs prévisions de collecte trimestrielle. En contrepartie, ils reçoivent une prime pouvant aller jusqu’à 5 €/1 000 litres en fonction de la précision de leur prévision. “L’extranet producteur Sodiaal constitue l’outil de communication privilégié permettant à chaque producteur et à la coopérative de s’informer réciproquement chaque mois des éléments de prix et de volumes fixés conformément aux dispositions dictées”, insiste le règlement intérieur de Sodiaal. La coopérative dans ses statuts doit également assurer que les associés coopérateurs soient traités de manière équivalente. Certaines modalités des règlements intérieurs sont susceptibles de remettre en cause cette égalité de traitement.

Longue gestation
Si certaines coopératives ont décidé de passer au double prix/ double quota, les accuser de l’avoir fait par surprise ne tient pas. Cela fait bientôt deux ans que Sodiaal défend ce principe. La FNCL elle-même plaide en ce sens depuis de nombreux mois. D’ailleurs, dans le guide des bonnes pratiques de l’interprofession laitière, qui date de mars 2011, il est écrit que “dans un souci d’ajustement d’offre à la demande et de sécurisation d’une partie des volumes, le contrat peut comporter un système de couple volumes et prix”. À la critique du passage en force et du manque de concertation avec les adhérents, Christèle Josse, directrice de la FNCL, répond qu’il y a un gros travail réalisé en amont. La FNPL (Fédération nationale des producteurs de lait) ne se montre d’ailleurs pas opposé au principe de double prix-double quotas. La difficulté est d’en définir les curseurs.
C’est là que le bât blesse. 

Transparence des volumes
Henri Brichart, le président de la FNPL, s’il est favorable au principe du double volume double prix, le conditionne à la transparence des volumes A et B. Il ne s’agirait pas de payer peu cher un prix du lait B pour finalement l’utiliser sur des marchés valorisés, pour concurrencer un transformateur moins malin. L’étanchéité des volumes A et B est donc fondamentale. Concernant les modalités de fixation des prix : le prix A est la résultante de tendances interprofessionnelles. On le sait : dans les différents éléments entrant dans ce calcul du prix A, la valorisation beurre-poudre est incluse. Quant au prix B, il reflète intégralement le marché mondial. Dans le cas de chute de ces marchés, ce sont ces deux prix A et B qui baisseront, condamnent des syndicalises. Et en cas de hausse ? Un règlement intérieur va encore plus loin. 

Un prix plafonné à la hausse
On peut lire dans un règlement intérieur que pour le volume B, “le prix de base mensuel (...) est établi à partir de la moyenne des quatre derniers mois de la valorisation beurre- poudre publiée par le Cniel, dans la limite de 90 % du prix de la tranche A”. Si le prix interprofessionnel ou prix A affiche 330 euros/1 000 litres, le prix B ne dépassera pas 297 euros/1 000 litres. En clair, on borne à la hausse le prix B qui ne sera jamais supérieur à 90 % du prix interprofessionnel. Une manière de faire baisser la note de la matière première pour la coopérative. D’autres moyens possibles résident dans la prise en compte d’un prix B, lissé sur les 12 derniers mois précédents... Pour certaines filières AOC, la crainte d’une hausse irraisonnée des volumes, les pousse à imaginer un système à trois prix et trois volumes différenciés. Le volume C serait payé à un prix de dégagement. Dans certaines filières comme le Comté, il est clair que certains producteurs en ont “sous le pied”. Cette crainte de “trop de lait” n’est pas partagée par tout le monde... Ainsi la coopérative 3A n’envisage pas un système de double prix, double volume. Sa problématique n’est pas de gérer des surplus avec un phénomène de sous-réalisation dans sa région. 

Effet d’aubaine ?
Les coopératives n’ont-elles pas, pour certaines, profité de cette mise en conformité de leur règlement pour mettre au point une équation leur assurant un approvisionnement à moindre coût ? À cette équation s’ajoute la logique économique qui veut qu’une augmentation des volumes entraîne mécaniquement une baisse du prix. À cette question, Christèle Josse répond sans ambiguïté “non”. “L’esprit dans laquelle cela s’est fait ne s’est jamais traduit par la volonté de baisser le prix du lait mais avec le souci d’assurer le développement des exploitations en volume et en valeur. Notre “job” n’est pas de vouloir casser la valeur”. Le prix n’est pas la seule composante de la valeur. L’objectif est que l’équation proposée soit équitable et qu’il y ait réciprocité entre les parties, explique la FNCL. Justement, les sceptiques pointent du doigt que la véritable “prise de risque” économique serait du côté des producteurs. Alors que les dés en sont aujourd’hui jetés : quels sont les recours possible pour les mécontents ? Selon la FNCL, ces règlements ne sont pas attaquables juridiquement, car cela remettrait en cause les fondamentaux de la coopération. Ces règles coopératives sont inscrites dans les statuts. Ne pas s’y conformer implique au producteur de remettre en cause son adhésion. Ce qui peut entraîner le payement de pénalités de sortie. Autant dire que pour changer les règles nouvellement édictées, il faut que les doléances des producteurs remontent au conseil d’admi-nistration pour un nouveau vote. Au final, selon certains syndicalistes, négocier avec un transformateur privé un meilleur contrat pourra peut-être sembler plus facile qu’avec les coopératives qui sont l’émanation historique des producteurs.
AGRAPRESSEMonde : Clignotants au vert pour les marchés laitiers
Les clignotants sont tous au vert pour les marchés laitiers à travers le monde. Tel est l’enseignement d’un important dossier réalisé par la Revue laitière française dans son édition de juillet-août 2011 sur les 50 premières entreprises françaises. Mark Voorbregen, responsable du secteur laitier à la Rabobank, y témoigne notamment d’une forte poussée de la demande à venir émanant de la Chine et de l’Inde, même si ces deux pays sont également des gros producteurs. Le dossier de la RLF montre également la forte concentration qui marque ce secteur industriel, au niveau mondial (le poids des vingt leaders en termes de chiffre d’affaires a été doublé en douze ans) qu’au niveau français. Une étude du cabinet de conseil Eurogroup montre également les opportunités et nécessités des regroupements dans le monde coopératif laitier. Enfin, à titre d’illustration, les investissements dans les tours de séchage du lait atteignent un niveau record selon le directeur de Niro/GEA, leader mondial de la construction de ce type d’installation.RLF juillet-août n° 713 Édité par Sodelf, 42 rue de Châteaudin 75314 Paris Cedex 09.

Interview d'Alain Cholet, président de la FDL

“L’addition de stratégies individuelles ne garantit pas l’avenir d’une filière”

Derrière les obligations contractuelles prévues par la Loi de modernisation, qu’est ce qui bouge dans le secteur laitier ?On dit souvent “la forme, c’est le fond qui remonte à la surface”. Ce qui remonte à la surface aujourd’hui, ce sont les divergences de vision entre les acteurs de la filière pour se construire un avenir dans un contexte de déréglementation et de fin annoncée des quotas. Comme nous le soulevions depuis longtemps, la gestion des volumes et du lieu où ils se discutent est centrale et donc au cœur des débats. Deux groupes coopératifs importants de notre région ont introduit dans leur règlement intérieur modifié, un système double volume - double prix pour la campagne 2011-2012. C’est une vraie rupture avec la règle d’un apport total à un prix moyennisé. Les coopératives avancent sur des pistes nouvelles dans un contexte de marchés qui évolue vite, elles sont dans leur rôle. Le système proposé pose la problématique cruciale des volumes des différentes valorisations. La flexibilité introduite en 2006 portait déjà en germe cette question d’avenir pour une filière soumise comme les autres à des marchés très volatils et à une concurrence de compétitivité accrue, notamment au sein de l’Europe. S’inscrire dans une perspective à moyen et long terme est donc normal, qu’il s’agisse du secteur privé ou coopératif. La question est de savoir si cette anticipation répond aux deux axes du projet coopératif laitier : la rémunération des producteurs-livreurs et la rémunération de l’outil industriel d’aval, donc la pérennité de l’entreprise. Appelons un chat un chat, en économie de marché, nos comptes de résultats et ceux de l’outil industriel sont potentiellement en opposition, en tout cas dans le court terme. Le fait que chaque coopérative avance aujourd’hui individuellement sur son projet de double volume-double prix laisse à penser que c’est le projet industriel qui prime, avec à la clé deux questions : celle des modalités d’association des producteurs à ce projet et celle de la concurrence entre coopératives. Parallèlement, les systèmes proposés instaurent de fait une relation très individualisée entre le coopérateur et l’outil de transformation. Dans notre esprit, et ce n’est pas un bon mot facile, la coopération doit coopérer, en proposant une vision coopérative nationale de la gestion des volumes au sein de l’interprofession, dans l’intérêt même de l’ensemble des producteurs français.

N’est-ce pas une résistance vaine à une évolution inéluctable ?
Le travail interprofessionnel est une construction fragile par nature puisqu’il s’agit d’une recherche permanente d’équilibre, entre trois acteurs qui, d’un point de vue strictement économique pour leur entreprise, n’ont pas les mêmes intérêts à défendre. La concurrence sur les marchés est une dure réalité, en France face à une grande distribution impitoyable, et en Europe face à nos concurrents nord européens. Le prix d’un produit est toujours le résultat d’un rapport de force entre un vendeur et un acheteur, producteurs face aux transformateurs, transformateurs face aux distributeurs. Si le curseur est durablement déséquilibré dans ce rapport de force, c’est toute une filière qui se détruit. Voilà pourquoi les producteurs doivent être forts en OP, voilà pourquoi le secteur coopératif devrait avoir une position plus solidaire, capable de capter ses potentiels de développement dans les différents bassins laitiers. L’enjeu de l’interprofession est aussi d’éviter que les concurrences, normales, entre les outils industriels et commerciaux ne se traduisent par des concurrences exacerbées entre les producteurs.

Cela voudrait-il dire que les discussions entre producteurs et industriels privés sont plus faciles ?
C’est l’avenir d’une filière laitière compétitive sur les marchés et rémunératrice pour les producteurs qui est en jeu. Privilégions donc le discernement aux effets d’optique de l’instant. Les différents statuts, privés ou coopératifs, conduisent à une relation commerciale différente entre les producteurs et leur aval. Les premières propositions de contrats de certaines entreprises privées comportaient des propositions choquantes et inacceptables pour les producteurs. Le terrain n’est pas plus hospitalier. Ces propositions contractuelles ont, depuis, été décortiquées et recommencent à être discutées, à partir de guides des bonnes pratiques contractuelles élaborées en interprofession, notamment avec les représentants des OP là où elles ont été constituées. Ce n’est pas plus facile avec les industriels privés, mais d’une certaine façon, le rapport de force est clairement établi.Le modèle coopératif met clairement le producteur au centre de son projet puisque c’est lui qui en contrôle la gouvernance en élisant le conseil d’administration. Mais il est à la fois apporteur et sociétaire (c'est-à-dire actionnaire) et cette double qualité porte en germe un conflit de court terme entre la rémunération de son apport et  la rentabilité de l’outil industriel. C’est ce sujet fondamental qui est au cœur du rôle des producteurs dans les coopératives : il est essentiel que ce débat soit identifié et animé dans des structures ad hoc. D’une certaine façon, la coopération n’a pas le beau rôle aujourd’hui, puisqu’elle doit oser poser le difficile sujet des volumes et de leur valorisation, quand un privé peut baser une partie de son développement sur du sourcing peu cher n’importe où dans le monde. La gestion de volumes et de prix différenciés par les coopératives ne doit pas conduire à un approvisionnement tiré vers le bas sur lequel tout le monde s’alignerait. L’étanchéité et la transparence des volumes A et B doit être discutée en interprofession. C’est le rôle du syndicalisme d’y veiller.
PROPOS RECUEILLIS PAR PASCALE GÉLIN

Prix du lait : 352,80 €/1 000 litres en août

L’interprofession laitière de l’Ouest s’est concertée pour élaborer les valeurs entrant dans la composition du prix de cession du lait pour août 2011. Le CilOuest propose l’appli-cation des indices publiés par le Cniel.Pour la Bretagne et Pays de la Loire, ces indices se traduisent pour août 2011 par un prix de référence de 352,80 €/1 000 litres. La flexibilité additionnelle, selon les fabrications des entreprises, est de + 0,27 €/1 000 litrespar tranche de flexibilité pour le troisième trimestre 2011.La conjoncture européenne et mondiale permet donc la poursuite de l’augmentation du prix du lait payé aux producteurs confrontés à une hausse des charges de production.La filière laitière rappelle la nécessité de voir le marché fonctionner de la production jusqu’à la distribution, afin que cette hausse de prix du lait puisse être répercutée auprès de chaque maillon.
Source : Cil Ouest

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