Viande bovine
Le cri d’alarme des producteurs à bout de souffle
Le syndicalisme interpelle les pouvoirs publics sur la situation des éleveurs.
Dans un communiqué, la FDSEA et JA interpellent les pouvoirs publics et rappellent « qu’après quatre années consécutives de baisse de revenu avec un revenu moyen inférieur à 8 000 € par personne sur les deux dernières années, les éleveurs sont asphyxiés ». Pour eux, cette situation est due à un cumul de phénomènes et ils insistent sur chaque point. « Asphyxiés par des prix de vente de leurs animaux au plus bas alors que l’Europe est déficitaire en viande bovine et importe à tour de bras, asphyxiés par des charges toujours en hausse, asphyxiés par une sécheresse qui n’en finit pas… ».
Bien sûr la conjoncture climatique particulière de 2010, avec une sécheresse qui pourrait être plus dramatique encore que 1976 si l’on en croit les prévisions météo qui ne prévoient pas de précipitations avant fin octobre, est en cause. Pour autant, la FDSEA et JA affirment que cela ne fait qu’aggraver la situation. Selon eux, les responsabilités sont ailleurs : « Cette situation intenable est, en particulier, due au plein pouvoir donné par la Loi de modernisation de l’économie (LME) à la grande distribution, ainsi qu’à la concentration de l’abattage en France. En conséquence, c’est le maillon le plus faible qui fait les frais de leur guerre économique sans merci. Voilà qu’on annonce la hausse du prix
des aliments du bétail suite à la flambée des prix des céréales. Trop, c’est trop ». Le syndicalisme a donc décidé d’interpeller les pouvoirs publics et pour commencer, « la FDSEA et JA ont invité le préfet à venir constater la situation sur une exploitation bovine le mardi 24 août au matin, à la ferme de Grigné, à Grez-Neuville. La FDSEA et JA attendent une prise en compte de leur situation dramatique que le ministère ignore à ce jour et attendent des réponses à la hauteur des enjeux : le maintien des éleveurs et de l’élevage dans notre bocage en dépend. » Mais le syndicalisme n’entend pas en rester là et le conseil de la section bovine de la FDSEA « décidera des suites à donner » selon Mickaël Bazantay, président de la section bovine départementale. Il faut dire que la baisse et le niveau de revenu en viande bovine sont impressionnants et justifient le cri d’alarme des éleveurs. (Voir graphique).
Sylvain DAURY
Crise bovine : la balle est dans le camp des politiques
Interview de Frédéric Pungeot, éleveur de bovins viande à Feneu.
Vous faites partie de la section viande bovine de la FDSEA. Dans quel état d’esprit sont les éleveurs aujourd’hui ?
Frédéric Pungeot : Beaucoup d’entre eux sont au bout du rouleau, mais continuent à travailler alors que leur capital s’en va. Les chiffres sur les revenus publiés cet été par la Chambre d’agriculture et l’AS49 sont éloquents : le résultat courant par UTA est tombé à 6 190 euros en 2009 pour les producteurs de viande bovine. Ramené au mois, cela ne représente qu’une rémunération de 500 euros. Ce qui nous fait mal, c’est de constater que la viande se vend cher, voire très cher à l’étal, par rapport au prix payé au producteur qui lui est en baisse.
C’est donc une question de répartition des marges ?
Oui, la viande rapporte aux industriels, aux distributeurs mais pas aux producteurs qui travaillent pour être payés sous le prix de revient. Nous en appelons donc aux politiques afin qu’ils garantissent l’équilibre des marges et qu’ils nous signifient clairement s’ils souhaitent ou pas maintenir l’élevage dans le pays. À court terme, il va falloir des mesures d’urgence de report d’échéances (MSA…).
Nos charges ne cessent d’augmenter car on nous impose des lois et des cahiers des charges au niveau environnemental qui occasionnent un surcoût à la production, alors que dans le même temps, les industriels achètent de la viande étrangère souvent non soumise à ces exigences.
Des facteurs plus conjoncturels entrent aussi en jeu : la crise économique et la sécheresse. Quelles sont les conséquences pour les éleveurs ?
Le pouvoir d’achat diminue, les viandes de qualité partent difficilement. Il y a en moyenne cinq à six semaines de stock, pendant lesquelles les animaux prennent du gras et finissent par être déclassés, d’où une perte financière pour les éleveurs. Quant à la sécheresse, elle nous pénalise puisqu’elle entraîne des achats supplémentaires de fourrages et d’aliments. La hausse du prix des céréales nous inquiète aussi beaucoup.
Recueilli par S.H.