Élevage
Le préfet de Maine-et-Loire prend la mesure de la crise porcine
Le Gaec de la Passerelle, à Saint-Lézin, a reçu le représentant de l’État pour un point sur la situation économique des élevages de porc et d’autres productions animales.
Les trois associés du Gaec de la Passerelle à Saint-Lézin, ont reçu, mardi, le préfet Marc Cabane sur leur exploitation. Jean-François Cesbron, président de la Chambre d’agriculture, son fils Thony, 35 ans, et Alexandre Bazantay, leur jeune associé, ont ouvert les portes de leur élevage au représentant de l’État et à différents responsables professionnels agricoles et élus locaux. L’exploitation est qualifiée en agriculture raisonnée, membre du réseau Bienvenue à la ferme, et reçoit à ce titre de nombreux scolaires. Le Gaec est qualifié CQC et il s’est équipé récemment de panneaux photovoltaïques afin de diversifier ses investissements et apporter sa contribution au développement des énergies renouvelables. Pour autant, « nous ne sommes pas une exploitation modèle mais nous sommes assez représentatifs de l’élevage porcin en Maine-et-Loire », a tenu à préciser Thony Cesbron en présentant le Gaec. Comme beaucoup d’autres, pour perdurer, « notre élevage a dû passer par des adaptations permanentes dans de nombreux domaines », environnementaux, sociaux, technico-économiques… Il compte aujour-d’hui 260 truies en système naisseur-engraisseur, produit 5 200 porcs charcutiers par an et partage une Faf (Fabrication d’aliments à la ferme) avec un élevage voisin. L’élevage de la Passerelle n’est autonome qu’à 40 %, faute de surfaces suffisantes dans la région des Mauges. L’approvisionnement de céréales à proximité du Gaec reste toutefois une priorité.
L’élevage porcin a connu à la fois une baisse des cours et une plus grande fluctuation des matières
premières, dont le prix a flambé en 2007 : cela s’est traduit par des pertes financières importantes sur les exploitations. 20 % des producteurs dépassent un taux d’endettement de 100 %. « À la Passerelle, nous avons acheté pour 100 000 euros supplémentaires d’aliment, et cela sans aucune ressource en plus », a indiqué Thony Cesbron au préfet, résumant la situation ainsi : « Nous avons travaillé plus, avec des compétences encore plus fortes, pour gagner
moins ». L’éleveur pointe du doigt aussi le « peu ou pas de soutien de la filière » (existera-t-il un plan bâtiment porcin ? s’interroge-t-il) et souligne les difficultés actuelles à exporter de la viande de porc, export pourtant indispensable pour écouler toutes les pièces de viande. Il y ajoute les inquiétudes liées à la grippe A, qui a eu des effets négatifs sur la consommation de porc notamment en Angleterre, et les distortions de concurrence au sein de l’Europe. Il a également témoigné de l’objectif mais aussi de la difficulté à concilier, sur l’exploitation, la rentabilité économique, les exigences sociales et les différentes attentes sociétales à l’encontre de l’élevage porcin : « On nous préconise l’élevage des truies sur paille, a pris comme exemple Thony Cesbron. Mais il faut savoir que ce système mobilise de la main-d’œuvre parfois difficile à trouver ».
Renouveler les actifs agricoles
L’élevage porcin gagne en productivité et en technicité, mais les marges de manœuvre pour investir sont très restreintes avec un cours à 1,20 euro, comme l’a expliqué Alexandre Bazantay. Âgé de 25 ans, il représente l’indispensable relève face aux départs en retraite qui vont arriver dans les années à venir. « Mes parents ne sont pas agriculteurs », a précisé le jeune éleveur. Ce nouvel associé du Gaec de la Passerelle s’est spécialisé dans la maîtrise technique de l’élevage, tandis que Thony s’investit plus particulièrement dans la fabrication d’aliment. Sept à huit formules existent sur l’exploitation pour obtenir un apport en matière azotée le plus équilibré possible. Jean-François Cesbron se réjouit de l’arrivée de jeunes, qui plus est non issus du monde agricole, dans le métier, répondant à l’enjeu du renouvellement. Mais seront-ils suffisamment nombreux ? Il va être difficile de trouver des repreneurs pour tous les élevages. Le taux de renouvellement dans les Mauges étant de 48 %, un travail de sensibilisation, notamment auprès des futurs cédants, est mené par le CRDA des Mauges, l’antenne de la Chambre d’agriculture, avec le soutien du Pays des Mauges.
La contrainte des installations classées
Le renouvellement sera d’autant plus difficile, ont expliqué les professionnels, que tous les dossiers d’installation entrent dans la procédure d’autorisation, impliquant une enquête publique. « La contrainte de l’installation classée, c’est une procédure qui dure de dix mois à deux ans et qui coûte entre 8 000 et 15 000 euros au producteur ». Les intervenants ont mis en exergue la différence de traitement en France par rapport à d’autres pays européens, où les seuils pour le déclenchement d’une procédure d’autorisation sont plus élevés que dans l’Hexagone. « Je n’avais pas en tête ce différentiel de traitement entre les productions animales, a fait remarquer le préfet Marc Cabane. Je suis surpris de voir qu’une exploitation avec une organisation durable soit aussi sensible aux fluctuations. On en voit toute la vulnérabilité », a-t-il souligné. Pour le préfet, l’élevage porcin surtout est « sujet de nombreux fantasmes ». Raison de plus, a conclu Jean-François Cesbron, « pour que l’on ouvre les élevages comme on l’a fait aujourd’hui. Seuls la transparence et le dialogue peuvent arranger les choses ».
S.H.