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Élevage
Le produit laitier a de l’avenir, le producteur laitier aussi

À l’assemblée générale de Bovicap conseils, l’économiste Vincent Chatellier a donné aux éleveurs des raisons de croire en leur métier. Il a proposé un certain nombre d’adaptations.

Présenté comme un économiste libéral par certains producteurs, Vincent Chatellier s’est dit, au contraire, convaincu de « la nécessité de la puissance publique pour protéger l’agriculture : ce n’est pas un secteur comme les autres ».
Présenté comme un économiste libéral par certains producteurs, Vincent Chatellier s’est dit, au contraire, convaincu de « la nécessité de la puissance publique pour protéger l’agriculture : ce n’est pas un secteur comme les autres ».
© AA

Le lait est un produit d’avenir ».  Voilà ce que dirait Vincent Chatellier, chercheur à l’Inra, à un jeune qui désirerait s’installer. Mais même si la demande est en pleine expansion, il devra être vigilant sur deux grands points : la question du partage de la valeur ajoutée, et celle des coûts de production. Devant un public de 250 personnes, Vincent Chatellier, invité de l’assemblée générale de Bovicap conseils, jeudi 25 mars à Angers, a dressé des perspectives pour l’avenir de la production laitière. Dominique Davy, président de l’organisme de conseil, avait demandé aux participants de laisser s’exprimer l’économiste, dont l’annonce de la venue avait provoqué des remous. L’intervenant a finalement pu développer ses idées sans langue de bois. « Oui, vous avez des raisons de croire en votre métier »,
a-t-il dit en substance. L’économie laitière a de l’avenir, la demande supplémentaire sur la planète explose (12 milliards de litres en plus chaque année). Ce sont surtout les États-Unis qui augmentent leur production de manière significative. Mais pour la France, les premiers concurrents restent l’Allemagne, le Danemark et les Pays-Bas : « Les industriels sont dans la concurrence européenne, a souligné Vincent Chatellier...  Nous sommes décalés par rapport aux concurrents, les industriels en profitent et achètent ailleurs, où le prix du lait au producteur est moins élevé aujourd’hui ».


Cibler les exploitations moyennes
«Le problème numéro un du secteur laitier n’est pas le prix du lait mais le coût de production  », a insisté Vincent Chatellier. Le chercheur suggère de cibler les volumes supplémentaires de lait aux exploitations moyennes et efficaces économiquement. « Ce sont des exploitations qui ont investi dans des bâtiments, mais qui n’en peuvent plus. Leur donner un litrage supplémentaire leur permettrait d’écraser les coûts fixes, sans pour autant créer des usines à lait ». Il faut également des politiques publiques pour « soutenir la production de lait, qui fait les territoires ».

Redensifier
Si la France laitière a des coûts de production élevés, c’est aussi dû au différentiel de coûts du travail avec l’Allemagne (les exploitations allemandes emploient beaucoup de salariés), mais également au poids des charges de mécanisation. « Il faudrait couper le lien du quota au foncier, a plaidé Vincent Chatellier. Lorsqu’on force les jeunes à reprendre du foncier, on aggrave leur cas, parce qu’ils investissent trop dans la mécanisation. En France, nous avons beaucoup de foncier et peu de lait par hectare. Il faut redensifier. 100 000 litres pour 100 hectares, ce n’est pas bon ». Le rapport production de lait par emploi est également pointé du doigt par le chercheur : « La France décroche sur la quantité de litres de lait par acteur : on produit 165 000 litres/emploi en France, 339 000 aux Pays-Bas, 446 000 au Danemark ». 

Pas de coût de production moyen
Pour l’économiste, les producteurs français ont trop investi, incités par la politique fiscale en vigueur. « En 2007, on s’est lâché. 20 % du chiffre d’affaires a été investi parce qu’on ne voulait pas payer d’impôt. La grande difficulté aujourd’hui, c’est de rembourser dans une situation économique difficile. Cela pose une question : faut-il être gros ou efficace pour s’en sortir ? ». On constate des différentiels très importants de coûts de production entre élevages : « Le spectre est trop large ». En réponse à un producteur qui se demandait si « les industriels ne pourraient pas intégrer le coût de production dans la fixation du prix », Vincent Chatellier a martelé : « Il n’y a pas de coût de production moyen dans le secteur du lait. Alors il ne faut pas rêver, les industriels ne fixeront jamais le prix du lait sur le coût de production le plus élevé ».
Le chercheur se prononce pour la contractualisation : « Il faut y aller avec prudence, faire attention à la transition. Nous avons cinq ans pour expérimenter les termes nouveaux de la régulation ». La multiplicité des interlocuteurs en France, contrairement à certains pays du Nord de l’Europe dotés d’une coopérative unique, rend bien sûr le débat compliqué. Cela dit, Vincent Chatellier, ne défend pas plus qu’un autre le modèle économique danois : « Comparer n’est pas adopter », a-t-il dit à ceux qui ont pu l’assimiler à un défenseur de ce modèle économique.

S.H.

Frédéric Lachambre*, vice-président de la FDL

« Rassembler plutôt que de diviser »

Qu’avez-vous retenu de l’intervention de Vincent Chatellier ?
Sur l’aspect global de la filière, il nous a confirmé qu’il y avait des perspectives à moyen terme, la demande en produits laitiers étant à la hausse. Mais en revanche il y a un problème de régulation du marché lié au désengagement de l’Europe, entériné par les pouvoirs publics français. Il a appelé les producteurs de lait à s’organiser, se rassembler plutôt que se diviser, sans quoi les transformateurs feront leur jeu de ces divisions, comme nous le constatons aujourd’hui.

Vincent Chatellier affirme que le problème numéro un du secteur laitier est le coût de production. Qu’en pensez-vous ?
Nous avons effectivement des coûts de production élevés, notamment parce que les éleveurs ont beaucoup investi dans les mises aux normes pour avoir des outils performants. L’euphorie de 2007 nous a aussi donné envie d’investir. Aujourd’hui beaucoup d’entre nous sont coincés. Nous observons des écarts de coûts de production entre exploitations : les charges opérationnelles peuvent aller du simple au triple. Ces écarts peuvent être corrigés en partie, par le travail de l’éleveur, en adaptant le mieux possible la conduite au système d’exploitation. Bien entendu, il restera toujours des différences en fonction des territoires. Si l’on veut maintenir du lait dans toutes les régions, il faudra peut-être introduire une différenciation dans le paiement, sur l’idée de ce qui se fait pour les zones de montagne.

*Éleveur laitier en Gaec à Saint Saturnin-sur-Loire.

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