Maraîchage
Les maraîchers nantais détruisent dix tonnes de concombres invendus
La crise sanitaire due à la bactérie E. coli, survenue en Allemagne, a fait dégringoler les ventes de légumes frais.
Laurent Cheminant croque à pleines dents dans un des concombres qu’il produit sur son entreprise basée à Carquefou. “Le concombre c’est très bon pour la santé. Vous pouvez en manger. On ne risque rien”, insiste-t-il devant les objectifs des appareils photos et des caméras. Il sait que le combat à mener dans les jours qui viennent est celui de la communication. Il veut lutter contre “la psychose générale” qui s’est emparée des Français et des “amalgames qui sont faits”. “Mais le mal est fait, les personnes n’achètent plus de légumes”, se désole-t-il. D’après Légumes de France, les ventes de concombre ont chuté de 90 %. “Le seul légume qui se vende bien actuellement, c’est le poireau. Les gens sont rassurés car il doit être cuit”, signale Louis Vinet, producteur de concombre à Bouguenais et responsable des jeunes maraîchers de Légumes de France.
Les maraîchers nantais, après une semaine d’absence totale de commerce en légumes, ont dû détruire leur production. Lundi 6 juin, Laurent et Jean-Pierre Cheminant, maraîchers à Carquefou, aidés d’une vingtaine de leurs collègues, ont jeté 10 tonnes d’invendus.
Laurent Cheminant estime que le manque à gagner de son SCEA est actuellement compris entre 75 000 et 100 000 € par semaine : “On ne va pas pouvoir tenir longtemps. L’entreprise compte 80 salariés. Si cette situation dure, je ne sais pas comment je vais les payer”.
La région nantaise produit environ 50 000 000 de concombres sur 43 hectares (une dizaine de producteurs spécialisés). Dans la semaine, c’est 4/5e de la production qui a été détruite. « On enregistre d’ores et déjà 3 millions d’euros de pertes pour nos entreprises », indique Louis Vinet.
GUILLAUME DE WERBIER
Loire-atlantique agricole
En Union européenne
Des millions d’euros de pertes
Selon les organisations agricoles et coopératives de l'Union, le Copa et la Cogeca, le secteur maraîcher enregistre des pertes de
l'ordre de 417 millions d'euros par semaine, dont 200 millions en Espagne, 100 millions en Italie et 30 millions en France.
Sous la pression de nombreux États-membres, la Commission européennea accepté le 8 juin de porter de 150 à 210 millions d'euros l'aide d'urgence qui sera mise à la disposition des producteurs européens. Cette aide exceptionnelleest destinée aux producteurs de concombres, tomates, laitues, courgettes et poivrons. Les premières aides pourraient être débloquées en juillet.
La compensation versée aux producteurs sera équivalente à 50 % d'un prix de référence calculé sur la base des relevés des cours des mois de juin 2008, 2009 et 2010. Il s'agit d'une moyenne, a indiqué en substance le commissaire Dacian Ciolos, qui a expliqué que dans certains pays et régions la compensation réelle pourrait être plus élevée. Les membres d'une organisation de producteurs pourront, grâce aux fonds opérationnels, bénéficier d'une aide couvrant jusqu'à 70 % des pertes.
En Maine-et-Loire
Des impacts sur l’ensemble
de la production maraîchère
Antoine Mercier, maraîcher : “ça va très mal”. Maraîcher à Longué-Jumelles, Antoine Mercier produit des concombres sous 1 hectare de serres multichapelles, commercialisés auprès de grandes surfaces et de grossistes. Il emploie six salariés permanents, trois saisonniers. “ça va très mal. Chaque jour, 500 à 600 colis (de 12 concombres, NDLR) me restent sur les bras”, témoigne-t-il. Il en vend, au mieux, une centaine. Le maraîcher s’apprête à déclencher une opération de destruction pour écouler les 3 000 colis stockés dans son frigo. Pendant ce temps, les cours ne cessent de chuter : “On me propose 16 centimes d’euro la pièce. Mon coût de production est de 36 centimes”. Ses autres productions, tomate et salades, subissent aussi les conséquences de la crise de confiance, avec des cours en baisse.
Fleuron d’Anjou : l’Allemagne n’achète plus la mâche
La coopérative Fleuron d’Anjou ne commercialise pas de concombres, mais subit aussi les effets de la crise. Sur les 1 200 tonnes de mâche vendues par an, 20 % partent habituellement vers l’Allemagne. Ce débouché est bloqué à ce jour. Au-delà de la mâche, tous les produits subissent un impact, dans un contexte commercial difficile. “La consommation de fruits et légumes était déjà très moyenne avant cette crise sanitaire”, rappelle Michel Masse, vice-président de la coopérative. Pour faire face à ces aléas sanitaires, “il faudrait pouvoir intégrer ce risque énorme dans les prix, en créant une caisse de prévoyance pour les coups durs”, suggère-t-il.