Cnaoc
Les producteurs de vins AOC lancent l’Appel d’Angers contre la dérégulation
Les producteurs de vins et eaux-de-vie à appellations d’origine (Cnaoc) ont demandé à la Commission européenne de ne pas déréguler les productions agricoles lors de leur congrès le 8 juin à Angers.
L’Appel d’Angers, qui doit recueillir le plus de signatures possible en Europe dans les mois qui viennent, s’adresse aux chefs d’État et aux ministres de l’Agriculture des 27 « pour qu’ils se mobilisent activement » contre la dérégulation et la déréglementation de la politique agricole.« L’absence d’outils de régulation avec ses conséquences bien connues (surproduction, chute des prix, dégradation de la qualité, perte de notoriété…) remet en cause les efforts réalisés par les producteurs européens et l’amélioration de la production. Elle déstabilise totalement certaines filières comme le secteur viticole qui est déjà durement touché par la crise », écrivent les producteurs dans leur déclaration commune.
La régulation de la production, en utilisant les droits de plantation, permet de maintenir un équilibre entre offre et demande et d’éviter une gestion coûteuse des excédents, a rappelé Pierre Aguilas, président de la Cnaoc. On reproche aux droits de plantation en Espagne et en Italie de ne pas circuler d’une région à l’autre. La Cnaoc avait proposé lors de la dernière réforme de l’OCM de rendre obligatoire une réserve nationale des droits dans chaque État-membre comme en France. « Notre proposition n’a même pas été étudiée », a regretté Pierre Aguilas. « Mais les temps ont changé », a-t-il ajouté car la dérégulation du secteur de la finance et ses terribles répercussions devraient inciter la Commission européenne à une meilleure écoute.
Le marché des vins sans IG déjà déstabilisé
La Cnaoc espère que le sujet des droits de plantation pourra être remis sur la table lors de la réforme de la politique de la qualité (dont les discussions législatives vont débuter en 2011), et dans le cadre de la réforme de la Pac. Deux gouvernements se sont déjà montrés favorables au maintien des droits de plantation : ceux de l’Allemagne et de la France. À défaut de réunir une majorité de voix, la Cnaoc espère que les grands pays producteurs de vins pourront former une minorité de blocage. Pierre Aguilas a demandé au gouvernement français de travailler avec l’Allemagne à constituer cette minorité de blocage. Espagnols, Italiens, Français, Portugais et Hongrois présents lors du congrès, se sont déjà montrés favorables au maintien des droits de plantation.
« La prise de position des grands États producteurs de vin est déterminante d’ici la fin de l’année. C’est à cette condition seulement que nous réussirons à obliger la Commission à faire des proprositions concrètes », a estimé Pierre Aguilas.
Pour illustrer les effets de la dérégulation, il a cité le cas actuel des vins sans indication géographique dont les rendements sont libres. Il a
évoqué « des niveaux de rendements déclarés qui dépassent ce qu’une vigne peut produire » allant jusqu’à « 1 500 hl/ha ». Ce qu’il a qualifié de « fraude ». Les conséquences ont été lourdes sur le marché des vins blancs dont les niveaux de prix ont dégringolé.
« La libéralisation (des rendements, NDLR) des vins sans IG commence à peine à faire ressentir ses effets, une libéralisation des droits de plantations limitée demain aux vins sans IG aurait des effets tout aussi désastreux », a prévenu le président de la Cnaoc.
Maintenir les deux signes de qualité : AOP et IGP
Les producteurs venus des différents pays d’Europe et ceux de la filière laitière française ont encore marqué leur attachement à maintenir l’AOP et se sont opposés au projet de la Commission européenne de fusionner AOP et IGP par la réforme de la politique de la qualité, constatant que le système actuel fonctionne bien et satisfait les consommateurs européens. Ils ont vu dans ce projet de simplification une incapacité à mener une politique de communication. « Agglomérer les signes de qualité, c’est renoncer à une véritable communication. Cela n’apportera pas plus de lisibilité au consommateur mais plus de flou au contraire », a déclaré Claude Vermot-Desroches, président du CIGC (comté).
Et il a souligné ce qui fait la spécificité des AOC en ajoutant : « La Commission européenne n’a pas compris que nous ne sommes pas des fournisseurs de biens agroalimentaires mais des producteurs de savoir-faire et de systèmes de vie ».
Agrapresse
Interview de Pierre Aguilas
« les surfaces en Val de Loire pourraient doubler »
L’abolition des droits de plantation est planifiée pour 2015 au niveau communautaire, 2018 en France.
La Cnaoc s’y est vivement opposée lors de son congrès d’Angers, le 8 juin. Pourquoi ?
La Cnaoc demande en effet un maintien des droits car il nous paraît indispensable de réguler la production : nous préférons mettre moins de produit sur le marché plutôt que de faire de l’assistanat parce que le marché serait déstabilisé. Pour nous, les droits de plantations n’empêchent pas la concurrence, puisqu’il y a déjà des viticulteurs qui cassent les prix. Ils ne gênent pas non plus l’agrandissement ni l’installation en viticulture. Il est faux de dire que le système actuel manque de liberté.
Quelles pourraient être les conséquences d’une libéralisation des droits pour le vignoble du Val de Loire ?
Les surfaces pourraient plus que doubler, et le Val de Loire passerait de 44 500 hectares de vignes aujourd’hui plantées à 112 000 hectares. Le risque est de voir se développer une production industrielle contrôlée par des grands groupes étrangers, et les petits vignerons arrêter leur production. C’est tout un système de vie à la française qui serait remis en cause. Nous voulons simplement continuer à travailler, à vivre.
* Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vin à Appellations d'origine contrôlée.