Climat
L'impact du climat du 21e siècle sur nos filières végétales
Pour son 1er rendez-vous de la Transition Agri, le Crédit Agricole Anjou Maine a invité le 18 décembre le désormais célèbre agroclimatologue Serge Zaka, pour une projection sur l'évolution des productions agricoles dans la région en lien avec le changement climatique.
"Fin mars 2021, après un faux printemps où il a fait jusqu'à 27 °C en Pays de la Loire, on a subi 7 jours plus tard un décrochage polaire où on est retombés à -5°C", rappelle d'emblée Serge Zaka. Un épisode dont se rappelleront encore longtemps nos viticulteurs et arboriculteurs. "Ça a fait 2 milliards d'euros de pertes de rendement". Un peu plus proche de nous, l'année 2022 a été "l'année la plus chaude qu'on ait pu constater jusqu'à présent et la 2ème la plus sèche". Même l'été 2024, qui nous est apparu plutôt frais dans la moitié nord de la France, si on le projetait au regard du 20ème siècle, "aurait été l'un des étés les plus chauds jamais observés".
Si on se projette en 2050, l'agroclimatologue prévoit sur toute la partie nord de la France "plus de pluie". En conséquence, la sécheresse des sols recule, de l'ordre de -2%. Dans les Pays de la Loire, "pas de sécheresse tous les étés donc, mais des années problématiques", contrairement au sud de la France où "la sécheresse s'installe de manière durable".
Le climat aquitain remonte
Lorsqu'on zoome au niveau saisonnier, ce qui intéresse directement les agriculteurs, "en hiver, on aura beaucoup plus de pluie, par contre en été on en aura beaucoup moins". Si on résume, le changement climatique dans la région est une évolution saisonnière des précipitations, avec des problématiques d'excès et de déficits. "Ça veut dire que les tendances qu'on a actuellement dans le sud vont arriver dans le nord, avec un décalage de 10 à 15 ans, résume-t-il. Le climat aquitain remonte chez vous".
Mais en agriculture, ce sont principalement les extrêmes qui causent des dégâts aux cultures. Or on observe depuis les années 2000 "quatre fois plus de canicules". À l'inverse, le nombre de jours de gels et de vagues de froid diminue de 50 jours à moins de 20 à horizon 2100, ce qui n'est pas sans poser problème "en termes de gestion des parasites, mais aussi de croissance des adventices, de structure des sols et de vernalisation des arbres". Le risque maladies peut donc évoluer à la hausse, "ce qui est antagoniste avec la volonté de diminuer les produits phytosanitaires".
Nouvelles opportunités pour le végétal spécialisé
Cultivera-t-on à Angers la même chose en 2060 qu'en 2024 ? Rien n'est moins sûr. La région Pays de la Loire rentre désormais plus franchement dans le potentiel de la vigne, avec, à partir de 2060, "des zones de cépages qu'on retrouve aujourd'hui sur les Pic Saint Loup, en Occitanie", comme par exemple le Syrah, le Roussanne ou le Marsanne. "La vigne va remonter par le sud" avec en parallèle "l'évolution du mildiou qui l'accompagne".
De même certains types d'arboriculture qu'on n'a pas ici pourraient faire leur apparition dans la région, comme l'abricot rouge du Roussillon, "puisque le risque de gel au printemps diminue et le risque de mortalité dû à des excès d'eau dans le sol diminue également, même s'il reste parfois limitant". La pomme Golden, a elle, tendance à remonter "vers le nord-est de la France au cours du siècle et à disparaître du sud-ouest où il ne fera plus suffisamment froid pour garantir sa floraison". Le pois chiche aussi. "On est déjà rentré dans la zone intéressante", indique-t-il.
La tomate "devient également très intéressante" en culture de plein champ l'été. Au point de rebattre les cartes des équilibres géopolitiques avec le sud de l'Europe, qui nous fournit aujourd'hui une partie grandissante de ce fruit. "D'ici 2050 - 2060, ça sera l'inverse. En été ce sera la France qui fournira les fruits et légumes à l'Espagne et au Maroc. Par contre, en hiver, ça sera eux qui nous fourniront car vu qu'il fera plus doux, ils vont caler la période de culture sur la période froide".
Plus exotique encore, la patate douce pourrait se tailler une belle place dans un avenir plutôt lointain dans nos assolements "du sud-ouest, où on atteint jusqu'à 75% de son potentiel de croissance, ce qui est suffisant".
Et l'olivier ? Il ne va pas s'implanter dans la région facilement : "c'est vraiment dans le scénario le plus chaud, à la fin du siècle". Par contre "il va devenir intéressant dans le sud-ouest de la France, et il l'est déjà, car l'Andalousie, qui produit 50% de la production mondiale, est en train de voir ses oliviers mourir parce qu'il fait trop sec". Une opportunité économique à saisir. Autre arbre qui remonterait du sud de la France : l'arbousier.
En revanche, parmi les arbres qui pourraient progressivement disparaitre de nos paysages, Serge Zaka cite "le noisetier". Le charme commun, un arbre de nos forêts tempérées, "aura également tendance à reculer", tout comme le chêne pédonculé ou le châtaignier. Le dépérissement des forêts, de plus en plus visible à l'œil nu, annonce sans doute les prémices de cette "aquitainisation" voire cette "méditerranéisation" future de nos paysages ligériens.