Interview
Mettre la pression, mais sous conditions
Pour Alain Cholet*, le combat contre les prix bas de la grande distribution doit profiter aux producteurs.
Les négociations commerciales sont en cours entre les entreprises et la grande distribution. Laquelle met la pression sur les prix. Qu’en pensez-vous ?
Alain Cholet : Pour moi, si pression il y a, elle est à mettre, et sur la grande distribution et sur les entreprises. Je prends l’exemple de Serge Papin qui dénonce des pratiques mais qui, dans la foulée, accepte une promotion de chez Lactalis défiant toute concurrence. D’un côté, il y a les déclarations de bonnes intentions ; de l’autre côté, les faits. Et ils sont têtus.
Ce ne serait pas la première fois que les producteurs mettent la pression…
Précisément. Et j’ai bonne mémoire. Lorsque la FNPL est intervenue pour aboutir à une médiation, elle s’est fait critiquer par les entreprises qui ont considéré que ce n’était pas le problème des producteurs. Certaines ont même osé : sans vous, on aurait obtenu plus… On s’est même entendu dire, en mai dernier, qu’on avait mis le bazar en obtenant 25 euros après l’intervention du médiateur.
Mettre la pression relève de notre rôle de syndicaliste. Nos collègues européens sont payés plus cher. Les consommateurs allemands, anglais, hollandais acceptent des hausses sur les produits de grande consommation deux à trois fois supérieures à celles pratiquées en France. Et cela sans nuire à la consommation. En France, la grande distribution prétend qu’elle défend le consommateur. Ne soyons pas dupes. Elle défend son portefeuille et habitue le consommateur à avoir un produit de qualité au rabais. Ce n’est pas comme cela que l’on construit une économie cohérente et durable sur le territoire.
J’entends de la colère dans vos propos.
Je suis en colère. Les producteurs de lait n’ont pas l’intention d’être à nouveau des fantassins qui vont à la bataille face à la grande distribution sans toucher ce qui leur est dû.
Conclusion, vous posez vos conditions à la transformation ?
Que les choses soient claires. On ne va pas faire sans cesse appel à un médiateur. C’est à l’interprofession de réagir et à toute la filière de faire preuve de maturité. Mais pour s’engager dans un bras de fer avec la GMS, il faut un pré-requis entre la transformation et la production. Ce pré-requis, c’est la garantie d’un retour financier aux producteurs, du privé comme des coopératives, sur ce qui sera obtenu.