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Économie
Revenus 2010 : Une hausse en trompe l’œil

En dépit d'une hausse moyenne annoncée de 66 %, les revenus des agriculteurs en 2010 ne rattrapent pas les pertes accumulées des années précédentes.

© AA

l’Agriculture d’une hausse moyenne des revenus agricoles pour 2010 de 66 % a provoqué un véritable tollé chez les agriculteurs. Au-delà des chiffres bruts, livrés en pâture et sans nuances, se trouvent des situations bien plus hétérogènes en termes de productions et de régions.
Cette hausse moyenne de 66 % fait suite à deux années de baisse : - 46 % entre 2007 et 2009 et elle ne compense pas les pertes des années précédentes. « Le revenu reste inférieur à celui de 2008 », constate Alain Cholet. Et de 11 % inférieur à celui de 2007. « Il suffit de 50 % de baisse pour passer de 100 à 50, il faut 100 % de hausse pour revenir de 50 à 100 » indique le président de la FDL.
Disparité régionale aussi. Les exploitations agricoles de la région des Pays de la Loire, touchées par des conditions climatiques défavorables - faut-il rappeler les rendements en herbe, en maïs, la sécheresse, autant d'éléments qui ont conduit à classer le département en calamités agricoles -, en subissent plus fort encore les conséquences et doivent faire face aux besoins alimentaires des animaux.
Quant aux disparités entre les productions, elles sont flagrantes. Les exploitations de grandes cultures enregistrent les résultats les plus favorables (+ 177 %). Emmanuel Lachaize, président de la section productions végétales de la FDSEA, tient à relativiser les chiffres  : « Le pourcentage de 66 % est réalisé en grande partie par les filières végétales. Les semences ont également été bien rémunérées. Mais, si l’on examine de plus près le revenu des scopeurs, on constate une baisse de - 5 % par an sur les cinq dernières années ». Pour le responsable professionnel, « cette évolution pose un vrai problème d’équilibre avec les productions  animales qui sont pénalisées chaque fois que le prix des céréales augmente. Il y a une réflexion à mener entre filières animales et végétales au sein du syndicalisme ». 

Maintenir lesproductions en place

En maraîchage, Michel Masse ne « comprend pas » le chiffre de + 49 %.  « Hormis pour les semences, nos prix sont très moyens et la saison d'échalotes a été très mauvaise. Nos revenus n'ont pas augmenté. De plus, estime le maraîcher de Saint-Mathurin-sur-Loire, les chiffres annoncés pour les céréales peuvent inciter des producteurs à se tourner vers cette production et mettre en danger nos outils de l'aval ». Risque aussi d'appauvrir le territoire par une baisse de la valeur ajoutée.
Pour le secteur des fruits, l'augmentation des revenus serait de 55 %. Une augmentation « en trompe l'œil », pour la FNPFruits qui rappelle la chute des revenus des arboriculteurs depuis 2006. « Même avec ce taux d'augmentation, le revenu des producteurs de fruits reste dérisoirement faible et ne rattrape pas le niveau de 1992 ».
Pour la viticulture, la situation reste délicate au plan national avec des volumes inférieurs et un revenu pour les AOC en retrait de 7 %.

Bovins et porcins en crise

Toutes les productions animales sont en difficulté hormis peut-être le secteur des ovins où le volume de la production stagne mais les prix sont soutenus par un manque de volume au niveau mondial. En moyenne en Maine-et-Loire, ils ont augmenté de 60 à 70 centimes d’euros du kilo. De meilleurs résultats techniques (meilleure croissance des agneaux) ont aussi été constatés dans les élevages. Mais le revenu se redresse principalement grâce à l’attribution de  l’aide couplée  aux éleveurs, qui contribuerait pour 66 % à leur revenu.
« Pour un éleveur spécialisé, cette aide peut représenter jusqu’à 12 000 euros, précise Jean-Marc Gaborit. Toutefois, une partie des aides va passer dans des achats d’alimentation pour compenser les pertes occasionnées dans les systèmes herbagers », relativise le président de la section ovine de la FDSEA. 
Pour les bovins viande, l’évolution du résultat courant avant impôts affiche + 25 %. « Vraiment, comment peut on sortir de tels chiffres dans le  contexte que connaît la viande bovine », interroge Mickaël Bazantay. Il y a quelques jours le ministre de l'Agriculture soulignait encore les difficultés du monde de l'élevage. À ce niveau, ce type de communication n'est pas une erreur, c'est une faute ».
Un autre secteur mis à mal concerne les productions hors-sol. Son revenu ne progresserait que de 11 % en 2010 et de 8 % si l’on tient compte de la moyenne triennale (2008-2009-2010). Mais depuis 2006, la recette des éleveurs hors-sol est en moyenne en baisse de 11 %. En volailles, seuls les abattages de poulets sont en hausse. En production porcine Gérard Bourcier qualifie de « provocation » la parution brute de ces pourcentages alors que le revenu des producteurs de porcs est en-dessous de zéro. « La production porcine existe-t-elle pour le ministre de l'Agriculture ?», s'interroge-t-il.
Enfin, pour les producteurs de lait, la hausse de revenu est de 89 % en 2010. Pour autant, elle ne compense pas deux années de baisse depuis 2007. Beaucoup d'éleveurs sont choqués par l'annonce sur les revenus, même s'ils reconnaissent une meilleure conjoncture, tout en restant inférieurs au revenu 2008.

S.H. et M. L.-R.

Frédéric Vincent, président de JA49

« Ma première réaction a été la surprise »

« Lorsque j’ai pris connaissance de ces chiffres, ma première réaction a été la surprise. J’ai du mal à m’expliquer, par exemple, le 25 % d’augmentation annoncé en viande bovine quand je connais la situation des élevages. Je crois qu’il faut rester prudent quant à ces pourcentages et attendre que les comptabilités soient clôturées pour avoir une estimation exacte. Bien sûr, dans l’absolu on ne peut que se féliciter de cette évolution, mais ces données cachent de grandes différences et beaucoup de productions, surtout animales, souffrent toujours et encore. Il ne faut pas oublier non plus que cette augmentation fait suite à trois années de chute de revenu et que l’on revient à peine à l’équilibre. Alors, au moment où nous menons des campagnes de communication sur les difficultés des agriculteurs et demandons une juste répartition des marges, cette annonce risque de jeter la confusion dans l’esprit des consommateurs. »

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