Séparation vente/conseil : quelle stratégie ?
A l’approche de l’entrée en vigueur de la séparation vente/conseil, au 1er janvier 2021, quelles stratégies ont adoptées les coopératives, négoces et différents organismes agricoles ? Tour d’horizon.
Denis Pelé : directeur Pelé-Agri Conseil
Chez Pelé-Agri conseil, nous allons conserver la partie vente et externaliser la partie conseil. Il y aura création d’une société de conseil, mais nous ne savons pas encore sous quelle forme, avec les contraintes de création de sociétés. On regrette le peu de temps laissé pour modifier les structures, car entre les premières annonces et les textes définitifs, nous sommes restés dans le flou, et maintenant on nous demande de nous organiser très rapidement.
Sur la partie sociale, nous conserverons nos 8 commerciaux sur le terrain. Ils devront modifier leurs habitudes sur le terrain entre fin décembre et début janvier, et devront se brider sur les expertises qu’ils donneront. Le conseil parcelle sera illégal, tandis que le conseil produit sera légal… C’est au niveau culturel que ce sera le plus délicat. Mais notre force c’est de réagir, et nous proposerons des formations à nos équipes pour qu’elles puissent s’adapter.
De manière générale, avec cette nouvelle norme, je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de conseils stratégiques lors de l’année à venir.
Claude Bizieux : responsable des achats à la CAMN
à la CAMN, nous nous orientons vers la vente. Avec plus de 50 % du chiffre d’affaires en protection des plantes (soit 3 millions d’euros sur 6 millions d’euros) notre activité en biocontrôle poursuit son développement. De plus, nous avons de nombreux producteurs engagés en HVE qui sont dispensés de conseil stratégique pendant 5 ans. Par ailleurs, la réglementation séparation vente/conseil porte sur les produits phytosanitaires conventionnels, qui sont connus et généralement maîtrisés par les producteurs. Ce sont ces trois raisons qui nous incitent à choisir la vente plutôt le conseil. En cultures spécialisées, nous composons déjà avec des structures de conseil indépendantes ou intégrées dans des organisations de producteurs. En termes organisationnels et dans la continuité de notre stratégie depuis 1995, nos 12 technico-commerciaux sur le terrain axeront leurs efforts (conseil et vente) sur les produits de biocontrôle liés à des fiches CEPP et les solutions alternatives. Nous axons notre développement sur ces éléments pour accompagner nos adhérents sur l’équilibre technique, économique, sociétal et environnemental.
Xavier Besson : responsable d’activité vigne chez LVVD
C’était assez évident que tout le monde allait choisir la vente, vu le peu de temps qui est laissé à nos structures pour s’organiser. LVVD, qui est une filiale de Terrena, a dû suivre la décision de la maison-mère, et donc garder la vente. Concrètement, cela ne va pas changer grand-chose, à première vue. Depuis quelques années, le conseil en produits phytosanitaires devenait de plus en plus réglementaire, ce qui pourra continuer à être fait. En ce qui concerne le conseil stratégique qui sera obligatoire, à raison de 2 fois pour une période de 5 ans, cela ne concernera plus aucun de nos 13 000 ha suivis, puisque l’intégralité de nos clients seront bio ou HVE d’ici 2 à 3 ans. Et pour le conseil technique sur les phytos, les viticulteurs connaissent bien les produits. On comprend l’idée générale de la loi, maintenant, il faut voir comme cela évoluera. Quelle sera la place du conseil dans l’avenir ? à quel prix pour les agriculteurs ? Il reste encore beaucoup d’inconnues. Chez LVVD, nous conservons les mêmes équipes, car la vente était déjà notre activité principale. Mais les phytos conventionnels ne représentent que 4 de nos 27 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Denis Laizé : président de la Chambre d’agriculture du Maine-et-Loire
Maintenant que nous avons enfin eu les décrets, nous avons plus de visibilité quant à cette séparation. L’initiative de départ était intéressante mais nous regrettons profondément le résultat final. Cette séparation s’apparente à un renforcement de l’obtention du Certyphyto, avec la contrainte supplémentaire du conseil stratégique pour les agriculteurs. L’ambiguïté du texte ne permet pas encore de voir clairement les effets qu’aura la séparation.
En tant que Chambre d’agriculture, nous allons nous évertuer à rendre l’offre de conseil stratégique, qui sera bientôt dévoilée, la plus pertinente possible pour les agriculteurs. Nous allons bien évidemment aussi continuer à proposer du conseil de suivi de cultures.
Les fournisseurs de produits phytosanitaires, coop ou négoces, sont forcément très impactés par cette réglementation et devront s’adapter. Pour ce qui concerne les coûts, le prix du conseil n’étant plus inclus dans le prix des produits on peut espérer un coût inférieur des produits. Mais le passage de la théorie à la pratique ne nous permet pas de l’affirmer avec certitude.
De manière générale, le conseil aura toujours sa place dans nos structures agricoles. Si les agriculteurs sont de plus en plus formés, un avis extérieur est toujours nécessaire pour prendre les décisions sur nos cultures ou sur nos systèmes. Point positif, nous avons évité les ordonnances de préconisation pour pouvoir acheter les produits phytosanitaires, qui auraient grandement complexifié la tâche des agriculteurs.