Dossier Lait
Une conjoncture favorable
Marchés, prix du lait, tendances de production. Marie-Thérèse Bonneau, secrétaire générale adjointe de la FNPL, fait le point sur les éléments conjoncturels de la filière laitière.
Comment se porte la filière laitière mondiale et européenne ?
Marie-Thérèse Bonneau : La filière se porte bien. Les cours mondiaux des produits industriels se maintiennent à des niveaux très élevés, en particulier pour le beurre. Après une période de flottement pendant l’été, la demande est de nouveau dynamique sur le marché mondial, en particulier pour les poudres de lait et de lactosérum. En lien avec cette conjoncture favorable, la production progresse au sein de l’Union Européenne de près de 3 % depuis le début d’année par rapport à 2010. Dans les différents pays européens, les prix du lait à la ferme ont dépassé, pendant l’été 2011, les niveaux atteints aux périodes équivalentes de 2008 à 2010. Peu de changements sont attendus à court terme.
Cette progression de collecte s’observe-t-elle aussi en France ?
Oui, en France comme en Irlande, la collecte est très dynamique. Depuis le début de l’année, les producteurs français ont produit près de 6 % de lait de plus que l’année dernière. Cela représente un volume supplémentaire d’environ 850 millions de litres. La progression exceptionnelle de la production cet été confère un profil inattendu à la courbe d’évolution de la collecte. Elle présentera sur l’année complète 2011 une amplitude saisonnière beaucoup moins marquée que les exercices précédents, et sera davantage en phase avec celle des autres grands pays laitiers européens.
Tout va bien donc ?
Non, tout ne va pas bien. Tout d’abord, l’indice Ipampa des coûts de production tend désormais à se stabiliser à un niveau élevé qui dépasse le point record de 2008. Le coût des carburants, de l’aliment, de la paille pèseront très lourd dans les trésoreries des exploitations.
Dans ce contexte, nous regrettons qu’un certain nombre de producteurs ne seront pas payés à hauteur des recommandations interprofessionnelles cette année. Nous comprenons qu’un certain nombre d’entreprises subissent actuellement de grandes difficultés au regard des marchés sur lesquels elles sont tournées. Mais ces difficultés ne peuvent pas être résolues en utilisant toujours le prix payé aux producteurs comme variable d’ajustement. Surtout dans ce contexte mondial favorable. Nous dénonçons cette logique de fragilisation des producteurs qui conduit inexorablement l’ensemble de la filière dans une spirale de prix à la baisse.
Propos recueillis
par Mathilde Vionnet
Ne pas oublier le lait cru dans les contrats laitiers
Une réflexion sur la vente directe doit être menée dans le cadre de la contractualisation.
Comment passer de l’ère des quotas à celle de la contractualisation ? Le Groupement départemental des producteurs de lait cru fermier, section de la Fédération départementale laitière s’interroge sur l’avenir de la vente directe. “Une souplesse existe aujourd’hui, grâce aux transferts temporaires que les producteurs peuvent effectuer entre leur quota laiterie et leur quota vente directe”, explique Bernard Gazon, président du groupement. Souvent, dans les faits, les éleveurs n’utilisent pas la totalité de leur quota vente directe, mais inversement, d’autres vendent davantage que ce quota. Ce système permet de sécuriser les débouchés pour l’exploitation. “La contractualisation doit intégrer la question de la vente directe, on ne pourra se passer d’une réflexion là-dessus”, souligne Bernard Gazon, qui est producteur à La Chapelle-sur-Oudon. Le groupement participe également, depuis longtemps, aux discussions au niveau national, au sein de la FNPL, sur les évolutions de la réglementation. Il se bat notamment pour obtenir des modes de contrôles qui soient adaptés à une production fermière. Les producteurs attendent depuis trois ans maintenant un décret sur le lait cru fermier.
Autre sujet en réflexion dans le groupement, celui de l’offre vente directe. La formule a le vent en poupe, un distributeur de lait ayant même ouvert il y a peu à Cholet. Un certain nombre de jeunes agriculteurs sont tentés de se lancer dans la vente directe. Bernard Gazon invite toutefois à la prudence : “Nous restons dans une problématique de niche, rappelle-t-il. Même s’il s’agit de démarches individuelles, il faut bien raisonner chaque projet, prendre en compte le terrain”. Le groupement, fondé dans les années 1950 pour l’obtention de la patente sanitaire, à une époque où la vente de lait cru était encore très courante, compte aujourd’hui une quinzaine d’adhérents. “Nous estimons qu’il est préférable de penser les choses ensemble plutôt que de se lancer tête baissée dans cette activité qui demande des compétences pointues en matière sanitaire”, estime
Bernard Gazon, qui invite les nouveaux producteurs à venir échanger avec les membres du groupement. “Le lait cru et sa transformation demandent une attention particulière”.