Interview
« Votons en masse pour conserver une protection sociale de proximité »
Jean-Michel Lemétayer appelle tous les exploitants et employeurs de main-d’œuvre à se mobiliser pour les élections MSA.
Pour la FNSEA, quel est l’enjeu de ces élections MSA ?
Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA : Cette élection est d’abord un test de participation. En 2005, le taux de participation avait atteint 51,26 %, son meilleur niveau depuis 1950. Nous devons continuer dans cette voie. Un fort taux de participation est un gage de reconnaissance du régime de protection sociale agricole.
N’oublions pas non plus que la MSA est l’un des tout derniers organismes de sécurité sociale à organiser des élections. Voter, c’est la possibilité, tous les cinq ans, de faire entendre ses revendications et de demander au régime d’en tenir compte.
Des élections au niveau cantonal permettent, de plus, de conserver une proximité qui a toujours constitué un fondement du régime agricole. La diminution du nombre de caisses de 4 en 2001 à 35 en 2010 n’a pas remis en cause cette exigence. En votant, nous affirmons des principes de proximité, de lien entre assurés et élus et de bon fonctionnement du guichet unique qui permet en un seul lieu de rassembler tous les organes de protection sociale.
Pour toutes les FDSEA et leur président, ce scrutin cantonal est une étape essentielle. Je tiens à saluer leur engagement sans réserve sur un sujet, la protection sociale, d’une grande complexité. Après un mandat parfois perturbé par les fusions de caisses, le prochain doit être plus serein, au service du terrain. Car c'est au niveau des cantons que les agriculteurs évoluent et c'est là que les élus peuvent intervenir. Pour aider ceux qui rencontrent des difficultés. Pour mettre en œuvre des services de proximité pour les familles, les jeunes, les retraités ou les personnes dépendantes…
Au delà de ce scrutin, un régime social propre à l’agriculture a-t-il encore un avenir ? Ne serait-il pas plus simple de rattacher les exploitants agricoles au régime général de Sécurité sociale ou au régime des indépendants ?
Je suis certain du contraire. Une protection sociale spécifiquement agricole est indispensable pour tenir compte des particularités de notre métier. Le régime général ne ferait pas aussi bien que la MSA… Demandons-nous plutôt quelle serait la légitimité des seuls agriculteurs au sein du régime général pour demander des aménagements pour leur secteur ?
La présence d’élus au sein des caisses est le premier pas pour une approche plus humaine et plus adaptée à la situation du monde agricole. La FNSEA entend bien maintenir ce lien. Cela ne signifie pas une position de repli sur nous-mêmes, mais une position de refus de la complexité et de l’uniformisation.
Financement des régimes de protection sociale, avenir des retraites, prise en charge de la dépendance… comment voyez-vous l’avenir ?
Notre réseau FDSEA/JA s’engage dans ces élections. Il est très important d’avoir au sein des caisses MSA des élus FDSEA qui s’engagent autour d’un projet et de valeurs solidaires et responsables.
Financement de la protection sociale : Agir sur l’emploi salarié est une priorité. Le système devient fou. La France est un pays agricole mais de nombreuses productions, fruits et légumes notamment, sont sévèrement concurrencées par des produits venus d'Espagne ou d’Allemagne. Malgré les dispositifs d’exonération de charges sociales dont bénéficient les employeurs agricoles, le coût du travail en France est plus élevé que chez nos plus proches voisins (près de 12 € de l’heure en France contre 9 € en Espagne et 6 € en Allemagne). Il faut aider l’emploi afin de replacer le coût du travail français dans la moyenne européenne.
Au-delà de cette question, il faut aussi nous demander quel niveau de protection nous voulons. Par quels moyens nous entendons le financer. La TVA sociale que la FNSEA soutient depuis très longtemps peut être une piste. Elle permettrait d’élargir le financement de la protection sociale au-delà des revenus du travail. Car à force de déficits abyssaux, il arrivera un moment où le niveau de la protection sociale sera remis en cause.
Retraites : Il reste encore beaucoup de petites retraites en agriculture. L’amélioration des retraites des non salariés agricoles doit être au centre de nos préoccupations. Les promesses d’une retraite minimale à hauteur de 75 % du Smic doivent être tenues. Il est anormal que les retraites des non salariés agricoles plafonnent autour de 70 % du Smic quand pour les salariés retraités, l’objectif est de 85 % du Smic. Il faut sans doute aussi réfléchir à améliorer le niveau de la retraite complémentaire obligatoire (RCO).
Au-delà de la retraite, nous devons avancer sur le dossier de la dépendance. Le sujet n’est pas nouveau. Une récente étude menée en Gironde par Agrica montre même que les pertes d'autonomie surviennent plus fréquemment en milieu rural qu’en ville. En tant que caisse de retraite, la MSA développe déjà des actions de maintien à domicile en direction des personnes faiblement dépendantes. Les efforts pourraient être plus importants en faveur des personnes les plus fragiles. Pour l’avenir, nous sommes favorables à la mise en place d’une branche “dépendance” gérée par la Sécurité sociale plutôt qu’à un système privé d’assurance.
Recueilli par actuagri