Arboriculture
Des moutons dans le verger
Les Fruits d’Altho, à Morannes sur Sarthe-Daumeray, produisent pommes et poires sur 125 ha. Les arboriculteurs, Thomas et Alexandre Humeau, déploient beaucoup d’énergie pour trouver différentes alternatives à l’usage des produits phytos. Parmi celles-ci, l’introduction de moutons au verger.
Les Fruits d’Altho, à Morannes sur Sarthe-Daumeray, produisent pommes et poires sur 125 ha. Les arboriculteurs, Thomas et Alexandre Humeau, déploient beaucoup d’énergie pour trouver différentes alternatives à l’usage des produits phytos. Parmi celles-ci, l’introduction de moutons au verger.
« Beaucoup de gens s’arrêtent au bord de la route lorsqu’ils voient les moutons, leur présence les interpelle », explique Thomas Humeau. Les animaux aident à retisser le lien parfois distendu avec les consommateurs. Ils étaient plus de 400 à une opération portes ouvertes il y a 3 ans. Depuis 2018, les Fruits d’Altho ont commencé à introduire des ovins dans une parcelle de 12 ha, avec la société Edelweiss, prestataire en écopâturage. Les avantages sont nombreux : « grâce aux moutons, on a supprimé 3 passages d’herbicides et 3 tontes par an », note Thomas Humeau. Les ovins, qui sont en grande majorité des brebis, participent aussi à l’assainissement du verger. Elles consomment des feuilles mortes, qui contiennent l’inoculum de la tavelure, et en piétinent d’autres, ce qui aide à les enfouir dans le sol. Autres services rendus : elles enrichissent le sol en matière organique, et elles font office de débroussailleuses naturelles pour les fossés. Le rôle de l’arboriculteur est de faire clôturer la parcelle, d’apporter de l’eau et du foin, de surveiller régulièrement si tout va bien.
« C’est une habitude à prendre. C’est une parcelle où j’ai plaisir à aller aujourd’hui..., témoigne l’arboriculteur. On remet de la nature dans le verger ». Les animaux, qui appartiennent à Edelweiss, pâturent toute l’année, ils sont simplement retirés au moment de la récolte, pour une raison de commodité.
Pas d’improvisation
« L’expérimentation est concluante, elle procure des bénéfices non négligeables, et nous souhaiterions la développer à plus grande échelle », explique l’arboriculteur. Ce qui freine, c’est principalement la disponibilité en ovins. Mais pour en arriver là, il ne suffit pas de faire entrer n’importe quels moutons dans un verger. Thomas Humeau effectue des essais avec son prestataire depuis 3 ans. Le but étant de trouver la race adéquate : c’est la race anglaise shropshire qui a finalement été choisie. Mais là encore, il faut opérer une sélection rigoureuse, car tous les individus ne conviennent pas, certains préférant se délecter des feuilles de l’arbre plutôt que du couvert végétal. De plus, une observation fine de la parcelle est nécessaire pour déterminer le bon nombre d’ovins, en fonction de l’abondance du couvert. L’effectif du troupeau évolue donc en fonction de la période de l’année.
La chimie en dernier recours
Les ovins ne sont que la partie la plus visible des pratiques alternatives mises en place aux Fruits d’Altho, la face émergée de l’iceberg. Dans cette exploitation, labellisée “vergers écoresponsables” et HVE3, les façons de cultiver ont « profondément changé » depuis une vingtaine d’années. La lutte intégrée et le biocontrôle sont toujours actionnés avant d’avoir recours à la chimie.
« Nous essayons toujours de passer du temps à l’observation, de prendre la mesure du problème et d’estimer si la solution de biocontrôle va pouvoir régler le problème », explique Thomas Humeau. L’exploitation a réussi à se passer d’acaricides depuis plus de 20 ans grâce à l’introduction de typhlodromes, complétés par du biocontrôle si besoin. Contre les pucerons, l’arboriculteur utilise un produit issu de la sève du margousier, qui se révèle très efficace, combiné avec des produits phytos. Contre les psylles, principaux ravageurs du poirier, il apporte de l’argile calcinée en pulvérisation. « Il y a un décalage entre la réalité de nos pratiques et le regard, souvent méfiant, des riverains. On doit leur expliquer qu’une substance blanche dans le pulvé n’est pas forcément un produit chimique ».
Contre le carpocase, il combine confusion sexuelle, biocontrôle et, seulement en cas de « débordement », il s’autorise le recours à un insecticide de synthèse. Des nichoirs à mésanges ont aussi été installés depuis une dizaine d’années.
Enfin contre la tavelure, pas de solution toute faite. L’arboriculteur emploie du soufre en préventif, de la bouillie sufocalcique en curatif. « En curatif, nous avons réussi à supprimer entièrement les IBS (inhibiteurs de la biosynthèse des stérols) ». Il cherche actuellement de nouvelles solutions alternatives en préventif. « Ce qui nous manque aujourd’hui, c’est clairement des prévisions météorologiques fiables pour affiner la gestion des risques. Aujourd’hui, il nous arrive de traiter “dans le doute” ! Avec de meilleures données, on pourrait réduire de 50 % les traitements fongicides que nous effectuons », estime-t-il.
S.H.