Solidarité
La supérette recrée du lien social
Solidarité
Un réseau d’épiceries sociales et solidaires accompagne leur clientèle
au-delà de leurs achats pour leur redonner le goût de vivre. Du lien social
se crée autour des actions de solidarité.
Les épiceries solidaires se développent progressivement sur le territoire depuis une quinzaine d’années. Impulsées par les centres communaux d’action sociale qui les gèrent 25 % tandis que les 75 % restantes sont associatives.
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Réussir
Nicole a enfin pu réaliser un rêve qui n’en était plus un : assister à un opéra. "Je ne pensais pas que c’était pour moi de sortir avec du beau monde pour écouter un concert ». Jeune grand-mère, Nicole a traversé des moments si difficiles qu’elle s’est retrouvée sans le sou à ne plus pouvoir manger. Elle doit faire appel à la mairie de sa commune, c’est là qu’elle entend parler de l’épicerie solidaire, « un endroit où on vient faire ses courses mais où vous n’êtes pas complexée de ne pas pouvoir acheter ni tentée, car le superflu n’est pas sur les rayons et puis ici c’est surtout un lieu de rencontres, un moment de détente, et plus même, un retour à l’existence » expliquera Isabelle, une autre habituée. Nicole et Isabelle auraient pu s’appeler Virginie ou Malika, voire même Pierre, habiter Nantes, Bourg-en-Bresse ou Ivry et faire connaissance "à l’épicerie sociale". Il faut dire que cette épicerie ne ressemble en rien aux autres. Elle est destinée aux plus démunis, à ceux qui se retrouvent un jour pour un divorce, une perte d’emploi ou même une longue maladie à ne plus arriver à joindre les deux bouts. « L’engrenage est tellement rapide » se souvient Nicolas, "un ancien", qui raconte avoir un jour ouvert plusieurs fois les placards de sa cuisine pour constater l’évidence : ils sont vides comme son porte-monnaie et son compte en banque.
Des lieux pour créer des liens
Aux côtés de certaines associations caritatives et autres structures existantes qui ont leur propre mission, les épiceries sociales et solidaires se développent progressivement sur le territoire depuis une quinzaine d’années. Impulsées par les centres communaux d’action sociale qui les gèrent à 25 % tandis que les
75 % restantes sont associatives, ces épiceries s’adressent à des personnes en situations économiques très précaires puisque très proches des minima sociaux. Elles sont orientées vers ces structures de relais, car comme tient à le préciser Danielle Daunis Feraut, adjointe solidarité à la vie sociale de Rezé : « nous voulions changer l’image de “l’épicerie des pauvres pour les pauvres” et offrir surtout des perspectives à notre clientèle ». Car il s’agit bien de clients qui participent à 10 % au montant des achats qu’ils réalisent. Ici rien n’est acquis sinon le dialogue. « C’est une lutte contre l’assistanat et l’isolement pour l’estime de soi », explique Claire Salomon qui dirige "Au P’tit Plus", une épicerie solidaire installée à Rezé, à côté de Nantes (44). « Nous voulons nous rapprocher le plus possible du circuit traditionnel par l’autonomie, l’insertion sociale, la valorisation de la personne. Et lui laisser le choix de ses courses est des moyens ». L’usager signe un contrat sur une durée et un projet car il s’agit d’un coup de pouce temporaire. « Lorsque nous avons créé ce lieu, il y avait 89 familles aidées depuis plus de dix ans sans perspectives assurément de changement de situation. Or nous avons aujourd’hui 29 familles aidées depuis plus de 3 ans ». A raison d’une centaine de familles par an, cette épicerie se démarque par sa mission sociale voire éducative. Pour Guillaume Bapst, délégué national de l’Association nationale des épiceries sociales et
solidaires (Andess) l’objectif est de refuser l’exclusion des personnes en difficultés en leur proposant des denrées mais surtout du dialogue, des activités comme la soirée à l’opéra, l’esthéticienne, la coiffeuse, la diététicienne avec toujours le principe d’une participation symbolique. « L’Andess fédère 90 épiceries solidaires sur un réseau de 300. Elle met en place des partenariats pour approvisionner les boutiques. Des entreprises agroalimentaires fournissent des produits qui pourront être vendus avant la date de péremption. Il s’agit souvent de mieux gérer ses stocks comme le fait une fédération de produits bio » ajoute Guillaume Bapst.
Quelques rangs de légumes en plus
« Notre épicerie ne gère pas l’urgence comme d’autres associations caritatives », précise Misette Baldo, directrice de l’épicerie solidaire "Au marché conté" à Bourg-en-Bresse (01) pour qui l’accompagnement social prime sur les services de la supérette. Avec plus de 420 familles en 2005 dont une centaine en permanence, il ne s’agit pas de lâcher la pression. Ouverte trois fois par semaine dont le samedi, elle reçoit beaucoup de familles qui participent de 10 à 40 % au montant des achats. Le panier moyen tournerait à 100 euros. Mais les multiples dons, ne suffisent pas et Misette Baldo doit aussi s’approvisionner dans la petite surface de la région pour compléter les rayons. Il faut construire des actions de proximité comme cette convention menée avec quelques agriculteurs qui s’engagent à ajouter deux rangs sur toutes leurs cultures pour les destiner à l’épicerie solidaire de Bourg-en-Bresse, moyennant un montant symbolique. Car les comptes ne sont pas faciles "Au marché conté" qui a un statut associatif et reconnu comme chantier d’insertion. L’épicerie fonctionne grâce à six personnes en contrats aidés et quinze bénévoles. Mais est-ce encore suffisant face à l’augmentation des "travailleurs pauvres" qui, de plus en plus, remplacent progressivement ceux qui avaient un besoin ponctuel ?
Fadéla Benabadji
Des lieux pour créer des liens
Aux côtés de certaines associations caritatives et autres structures existantes qui ont leur propre mission, les épiceries sociales et solidaires se développent progressivement sur le territoire depuis une quinzaine d’années. Impulsées par les centres communaux d’action sociale qui les gèrent à 25 % tandis que les
75 % restantes sont associatives, ces épiceries s’adressent à des personnes en situations économiques très précaires puisque très proches des minima sociaux. Elles sont orientées vers ces structures de relais, car comme tient à le préciser Danielle Daunis Feraut, adjointe solidarité à la vie sociale de Rezé : « nous voulions changer l’image de “l’épicerie des pauvres pour les pauvres” et offrir surtout des perspectives à notre clientèle ». Car il s’agit bien de clients qui participent à 10 % au montant des achats qu’ils réalisent. Ici rien n’est acquis sinon le dialogue. « C’est une lutte contre l’assistanat et l’isolement pour l’estime de soi », explique Claire Salomon qui dirige "Au P’tit Plus", une épicerie solidaire installée à Rezé, à côté de Nantes (44). « Nous voulons nous rapprocher le plus possible du circuit traditionnel par l’autonomie, l’insertion sociale, la valorisation de la personne. Et lui laisser le choix de ses courses est des moyens ». L’usager signe un contrat sur une durée et un projet car il s’agit d’un coup de pouce temporaire. « Lorsque nous avons créé ce lieu, il y avait 89 familles aidées depuis plus de dix ans sans perspectives assurément de changement de situation. Or nous avons aujourd’hui 29 familles aidées depuis plus de 3 ans ». A raison d’une centaine de familles par an, cette épicerie se démarque par sa mission sociale voire éducative. Pour Guillaume Bapst, délégué national de l’Association nationale des épiceries sociales et
solidaires (Andess) l’objectif est de refuser l’exclusion des personnes en difficultés en leur proposant des denrées mais surtout du dialogue, des activités comme la soirée à l’opéra, l’esthéticienne, la coiffeuse, la diététicienne avec toujours le principe d’une participation symbolique. « L’Andess fédère 90 épiceries solidaires sur un réseau de 300. Elle met en place des partenariats pour approvisionner les boutiques. Des entreprises agroalimentaires fournissent des produits qui pourront être vendus avant la date de péremption. Il s’agit souvent de mieux gérer ses stocks comme le fait une fédération de produits bio » ajoute Guillaume Bapst.
Quelques rangs de légumes en plus
« Notre épicerie ne gère pas l’urgence comme d’autres associations caritatives », précise Misette Baldo, directrice de l’épicerie solidaire "Au marché conté" à Bourg-en-Bresse (01) pour qui l’accompagnement social prime sur les services de la supérette. Avec plus de 420 familles en 2005 dont une centaine en permanence, il ne s’agit pas de lâcher la pression. Ouverte trois fois par semaine dont le samedi, elle reçoit beaucoup de familles qui participent de 10 à 40 % au montant des achats. Le panier moyen tournerait à 100 euros. Mais les multiples dons, ne suffisent pas et Misette Baldo doit aussi s’approvisionner dans la petite surface de la région pour compléter les rayons. Il faut construire des actions de proximité comme cette convention menée avec quelques agriculteurs qui s’engagent à ajouter deux rangs sur toutes leurs cultures pour les destiner à l’épicerie solidaire de Bourg-en-Bresse, moyennant un montant symbolique. Car les comptes ne sont pas faciles "Au marché conté" qui a un statut associatif et reconnu comme chantier d’insertion. L’épicerie fonctionne grâce à six personnes en contrats aidés et quinze bénévoles. Mais est-ce encore suffisant face à l’augmentation des "travailleurs pauvres" qui, de plus en plus, remplacent progressivement ceux qui avaient un besoin ponctuel ?
Fadéla Benabadji