Lait
« Le prix payé aux producteurs est issu d’une négociation »
Pour Henri Brichart, président de la Fédération nationale des producteurs de lait, l’action déterminée et continue auprès des pouvoirs publics apportera des solutions.
Pour le président de la FNPL, Henri Brichart, c’est l’action déterminée et continue auprès des pouvoirs publics en France et à Bruxelles pour parvenir à une meilleure régulation des marchés et l’établissement de relations contractuelles équilibrées entre producteurs et transformateurs, qui apportera des solutions.
Pourquoi n’avez-vous pas appelé à la grève du lait ?
Henri Brichart : En appelant les producteurs de lait français à la grève du lait, l’Apli, l’OPL et la Coordination rurale, ainsi que certains membres de la Confédération paysanne, ont pris une lourde responsabilité. Le rêve d’un lait payé à 400 euros grâce à un grand mouvement européen des éleveurs pour parvenir au “grand soir” de la Pac est pour nous une illusion qui ne mérite pas d’envoyer les éleveurs dans le mur.
Pourquoi serait-ce inefficace ?
Illusion, parce que les observateurs avertis savent que le mouvement n’est pas européen : moins de 1 % de grévistes en
Allemagne, quelques dizaines en Europe du Nord… Les vrais chiffres le démontrent.
Illusion aussi, parce que le “grand soir” de la Pac est une utopie. L’abandon progressif de la gestion des marchés par l’Europe a démarré dès 1992 et, malgré un délai d’application lié à notre combat de résistance, le secteur laitier a été finalement entrainé par un vote à l’unanimité des États-membres en 2003, confirmé encore récemment, au plus profond de la crise.
Illusion enfin, parce que le prix du lait ne se décrète pas. La situation des marchés, les stocks importants (l’équivalent de près de deux mois de la production laitière française), ont un poids que personne ne peut malheureusement contester.
Alors, y a-t-il des solutions aux problèmes des élveurs sur le court terme ?
Dans ce débat, la FNSEA, les JA et la FNPL n’ont pas attendu le 10 septembre pour se préoccuper de la situation des éleveurs.
Dès le printemps, la bataille a été rude pour ne pas se faire imposer un prix “européen” par les industriels. C’était pourtant leur objectif en proposant 204 euros les 1 000 litres. Le rapport de force et la négociation ont été très difficiles mais le résultat, même s’il n’a pas réglé tous les problèmes, a placé le prix français très largement au-dessus du contexte général.
Quels sont les leviers qui ont été actionnés ?
Quand le prix demeure insuffisant, il est nécessaire de se battre sur les charges. Mettant les pouvoirs publics, qui ont voté la réforme, devant leurs responsabilités, la FNPL a obtenu une première dotation de 30 millions d’euros d’allègement des charges en juin. Mais cela restait insuffisant, vu l’ampleur de la crise, et la FNPL, la FNSEA et JA sont remontés au créneau durant l’été pour que le ministre passe à la vitesse supérieure, notamment en réunissant les banques et en obtenant le relèvement du plafond des “minimis” à Bruxelles. 30 nouveaux millions ont été accordés et les banques vont débloquer 250 millions d’euros. Ces acquis, personne d’autre que la FNPL ne peut les revendiquer car ils font suite à un long travail auprès du ministre de l’Agriculture.
Avez-vous réussi à faire bouger les choses au niveau européen ?
Depuis le fameux bilan de santé de la Pac, la FNPL a travaillé d’arrache pieds au niveau européen pour que le système des quotas redevienne efficace jusqu’en 2015. Les propositions actuelles de la Commissaire visant à pénaliser les producteurs en dépassement quelle que soit la situation du pays ne sont que l’application du système français que le syndicalisme majoritaire a mis en place depuis des années. La Coordination rurale avait d’ailleurs voté à l’Office de l’élevage pour sa suppression. Nous l’avons sauvé en France, et il devient la règle au niveau européen, tant mieux.
Croyez-vous encore à l’efficacité des outils d’intervention ?
De même la FNPL s’est battue pour obtenir de Bruxelles une extension et une plus grande réactivité des outils d’intervention. C’est une mesure qui a été adoptée cet été et cela a permis de retirer du marché l’équivalent de 2 % de la production européenne. Ces mesures sont en passe de contribuer à l’assainissement des marchés et l’on constate aujourd’hui déjà une relative reprise. Le creux de la vague semble être derrière nous.
Actuagri
Crise laitière
Bruno Le Maire suggère des volumes indicatifs de production
« Il n'est pas possible de laisser les producteurs dans la situation où ils se trouvent » a indiqué Bruno Le Maire, le ministre français de l'Agriculture, le 29 septembre à Bruxelles, à l'issue d'une rencontre avec la commission de l'agriculture du Parlement européen. Le ministre veut lancer une réflexion sur l'instauration de “volumes indicatifs de production à l'échelle
européenne” à l'occasion du Conseil agricole informel sur la crise laitière, qui se tiendra le 5 octobre à Bruxelles. Il s'agirait d'un système volontaire permettant de définir « le volume souhaitable à l'échelle européenne, a précisé Bruno Le Maire. Ce n'est pas aussi contraignant que les quotas, mais une indication sera donnée, donc aussi un niveau de prix indicatif qui peut servir de référence aux producteurs comme aux industriels », a-t-il expliqué.
Réagissant à ces propos, Alain Cholet « craint qu’un système volontaire et moins contraignant que les quotas ne soit pas respecté par tous et n’aie pas beaucoup d’efficacité».